Affaire des «fadettes» : aucune sanction disciplinaire réclamée contre le vice-procureur du PNF
Peu après son entrée au gouvernement en juillet 2020, Eric Dupond-Moretti avait ordonné des poursuites administratives contre trois magistrats du parquet anticorruption, dont Patrice Amar, pour une enquête controversée. Mercredi, aucune sanction disciplinaire n'a été réclamée contre le vice-procureur du PNF.
Aucune sanction disciplinaire n'a été réclamée mercredi contre le vice-procureur du parquet national financier (PNF) Patrice Amar, un des magistrats visés par des poursuites disciplinaires à la suite des enquêtes administratives demandées par le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. Le directeur des services judiciaires (DSJ), Paul Huber, a demandé, au nom de la Première ministre, à la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de dire que Patrice Amar avait commis des "fautes" mais "qu'il n'y a pas lieu de prononcer une sanction". Le CSM mettra sa décision en délibéré après les plaidoiries de la défense.
"Une vengeance politique"
Les soutiens de Patrice Amar, magistrat de 56 ans rompu aux dossiers sensibles, ont dénoncé au cours de son audience disciplinaire "une vengeance politique" du ministre de la Justice, destinée à "déstabiliser le PNF". Peu après son entrée au gouvernement en juillet 2020, le garde des Sceaux avait ordonné des poursuites administratives contre trois magistrats du parquet anticorruption, dont Patrice Amar et son ancienne cheffe Eliane Houlette, pour une enquête controversée menée en marge d'un dossier impliquant Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog.
Les investigations du PNF visaient à débusquer une éventuelle taupe ayant pu informer l'ex-chef de l'Etat que son téléphone était sur écoute dans ce dossier surnommé "Bismuth" et avaient conduit à éplucher les relevés téléphoniques (les "fadettes") de ténors du barreau, dont Eric Dupond-Moretti.
Des "méthodes de barbouzes"
Dénonçant des "méthodes de barbouzes", il avait déposé une plainte qu'il avait retirée dès sa nomination à la Chancellerie. C'est pour avoir notamment déclenché des enquêtes contre ces magistrats que le ministre de la Justice est mis en examen pour "prise illégale d'intérêts" et menacé d'un procès devant la Cour de la justice de la République (CJR). L'enquête administrative avait exonéré Patrice Amar de tout manquement disciplinaire.
Mais Matignon, qui a depuis récupéré les dossiers dont Eric Dupond-Moretti a dû se déporter pour éviter tout conflit d'intérêts, était passé outre et avait saisi le CSM. Patrice Amar est notamment poursuivi pour avoir, dans un courrier adressé en janvier 2019 à la procureure générale de Paris, critiqué dans des termes "volontairement offensants" son ex-patronne Eliane Houlette, lui reprochant son "incompétence" et des "conflits d'intérêts".
Après ce courrier de dénonciation, le procureur financier avait été "recadré" par la procureure générale et "exfiltré" quelques mois du PNF. "Le prononcé d'une sanction à son égard apparaît donc disproportionné", a estimé mercredi le directeur des services judiciaires. Eliane Houlette, première cheffe du parquet anticorruption à la retraite depuis l'été 2019, comparaîtra devant le CSM lundi et mardi.