Un dossier tentaculaire arrive devant la justice ce lundi à Marseille : celui de l'affaire Guérini. Douze ans après l'ouverture de l'enquête, l'ancien baron de l'antenne locale du Parti socialiste, Jean-Noël Guérini, comparaît aux côtés de son frère Alexandre jusqu'au 9 avril dans un vaste dossier de corruption présumée dans le milieu des déchets.
"Prise illégale d'intérêt", "abus de confiance", "favoritisme" : derrière les qualificatifs juridiques, il y a "un dévoiement généralisé de la chose publique au service d'intérêts économiques privés", a résumé le juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi. Le parquet, plus direct, avait stigmatisé "un système clientéliste". Jean-Noël Guérini, ancien président du conseil général des Bouches-du-Rhône (de 1998 à 2015) et actuellement sénateur, qui nie avoir "jamais mis son pouvoir au service de son frère", est poursuivi pour "prise illégale d'intérêt".
Une victime témoigne de pressions pour vendre un terrain
Partis d'une dénonciation anonyme, en février 2009, les enquêteurs ont entendu plus de 150 personnes, dont 26 ont été mises en examen. Mais 12 seulement ont été renvoyées devant le tribunal, une vingtaine de volets de ce dossier ayant été abandonnés en chemin. Europe 1 a interrogé l'une des victimes, propriétaire à l'époque d'un terrain situé à côté d'une décharge de La Ciotat, qui nécessite une extension. Sa parcelle est alors convoitée par Alexandre Guérini.
"Ma mère a reçu des coups de fil anonymes le soir. On nous a dit qu'il fallait absolument vendre, sinon on allait avoir des problèmes. Pour lui faire peur", raconte-t-il. Personne ne lui dit explicitement à qui il doit vendre, mais pour cette victime le message est clair.
Alexandre Guérini, personnage central du procès
Le personnage central de ce procès sera bien Alexandre Guérini, alias "Monsieur Frère", surnom acquis pour son omniprésence au département et à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM), alors présidée par le Parti socialiste. Grâce à sa proximité avec le président du département, il aurait fait modifier à son avantage plusieurs appels d'offres de la métropole
Alexandre Guérini risque 10 ans de prison et 750.000 euros d'amende, son frère aîné cinq ans de prison et 500.000 euros d'amende. Réélu pour la troisième fois sénateur en septembre 2020, sous les couleurs de la Force du 13, le parti qu'il a créé en 2014, après avoir quitté le PS, Jean-Noël Guérini risque aussi une peine d'inéligibilité.