Quels sont les risques des retombées de particules et de suie qui ont suivi l'explosion survenue sur le site de l'usine Lubrizol, à Rouen, jeudi dernier ? C'est la question que tous les riverains se posent, alors que les autorités publiques, Premier ministre et préfet en tête, se veulent rassurantes.
"Je pense que ce n'est pas acceptable d'avoir ce discours. J'ai entendu le préfet, ce n'est pas acceptable", a tonné sur Europe 1 André Cicolella, chimiste, toxicologue et spécialiste de l'évolution des risques sanitaires. "On dirait non, ce serait clair, mais là, on ne dit ni oui ni non, ça ce n'est pas acceptable." Ce week-end, le préfet de Normandie, Pierre-André Durand, avait déclaré : "Nous disposons de l'essentiel des résultats d'analyse qui sont encourageants et qui traduisent pour l'air une situation normale". Mardi matin, interrogé sur BFMTV, il a encore relevé : "quel serait l'intérêt des pouvoirs publics de mentir ?"
L'inquiétude des Rouennais est nourrie notamment par l'absence de communication précise de la part de Lubrizol sur les produits qui étaient stockés dans l'usine. "L'entreprise sait les produits qu'elle utilise pour ses fabrications", insiste André Cicolella. "On sait quels sont les produits, et on sait que, notamment, dans certains additifs, il y a des paraffines chlorées vraisemblablement, et tout produit chloré, dans le cadre d'une combustion, génère des dioxines chlorées. Et, dans ce cas-là, si c'est avéré, on est dans un scénario de type Seveso, du nom de l'accident qui est survenu en 1976 en Italie, avec un réacteur qui a sauté et qui a contaminé 8 km2."
Pour André Cicolella, qui est également président du Réseau environnement santé, les effets de l'incendie survenus à Rouen pourraient se révéler sur le long terme. "Les nausées, les vomissements, ce n'est pas spécialement agréable, mais on n'est pas ici sur des effets à long terme", relève-t-il. "L'effet sur le long terme, ce sont des substances du type dioxine chlorée qui vont pénétrer dans l'organisme et qui vont y rester pendant des décennies. Ça va être stocké dans les graisses et ça va contaminer tous les organismes vivants. Et l'enjeu principal dans ce cas, c'est la protection des femmes enceintes, car le fœtus peut être impacté avec des conséquences extrêmement importantes. On le sait malheureusement grâce à Seveso, puisqu'on a étudié depuis 1976, et tous les ans ou tous les deux ans, on a l'état des connaissances sur cet impact."
Après l'incendie, de nombreux établissements, comme des écoles ou des Ehpad ont été confinés. "Mais je n'ai pas entendu de mesures concernant les femmes enceintes", regrette André Cicolella. "Il y a certes un effet sanitaire sur les adultes, mais l'essentiel du risque est lié à la contamination des fœtus."