"On se lève et on se barre." De tous les slogans, voilà peut-être celui qui, s'inspirant d'une tribune écrite par l'autrice Virginie Despentes dans Libération, résumait le mieux l'ambiance de la manifestation pour la journée internationale des droits des femmes qui s'est déroulée à Paris, dimanche. Des milliers de personnes ont défilé de la place d'Italie jusqu'à celle de la République pour dénoncer les inégalités, les violences faites aux femmes, ou encore la réforme des retraites. Tout de violet (la couleur historique des luttes féministes) vêtus, des manifestants ont également battu le pavé à Rennes, Lyon ou encore Strasbourg. Le tout dans un contexte de ras-le-bol généralisé.
"Ça galvanise énormément"
Un peu plus d'une semaine plus tôt, la cérémonie des César couronnait Roman Polanski, accusé de violences sexuelles par 12 fillettes et femmes, meilleur réalisateur pour J'accuse. Les actrices Adèle Haenel et Aïssa Maïga, ainsi que la réalisatrice Céline Sciamma, notamment, avaient quitté la salle pleines de colère. Samedi soir, une marche féministe nocturne et non-mixte, réservée aux femmes, était réprimée par les forces de l'ordre. De nombreuses vidéos postée sur les réseaux sociaux ont montré des charges de CRS.
Ces incidents ne semblaient pas avoir entamé la motivation des manifestantes, dimanche. Bien au contraire. "Ça galvanise énormément", témoigne Laura, militante du collectif "On arrête toutes", au micro d'Europe 1. "Moi, j'étais au rassemblement comme des tas d'autres féministes le soir des César. Il y a eu une colère et une rage, notamment dès qu'on a appris la confirmation qu'il y aurait un prix pour lui." De nombreux slogans faisaient d'ailleurs référence à Roman Polanski ("Le viol, ce n'est pas du cinéma", "Polanski, le César de la honte") et la photographie d'Adèle Haenel quittant les César s'est affichée sur les pancartes. La véritable Adèle Haenel, ainsi qu'Aïssa Maïga et Céline Sciamma, se sont d'ailleurs jointes au cortège.
"Ça me prend les tripes, c'est insupportable ce qui s'est passé"
"Depuis les César, c'est une colère monstrueuse, ça me prend les tripes, c'est insupportable ce qui s'est passé", s'insurge Karen, agricultrice à Grenoble, qui manifestait pour la première fois. "Moi, ça a été une prise de conscience à ce moment-là, beaucoup trop tardive sans doute. Mais maintenant je suis debout aussi, et ça va changer. Je n'arrive plus à travailler, à rien faire. J'ai ça dans le ventre." Delphine, elle, est venue avec sa fille de 10 ans, qui a demandé à l'accompagner. "Je sais que la majorité des gens regardent leurs chaussures, mais je ne fais pas partie de ces gens-là. C'est peut-être aussi ça que je veux montrer à ma fille : que je ne fais pas partie des gens qui regardent leurs chaussures."
À propos des incidents de samedi soir, Laura s'inquiète. "Symboliquement, s'en prendre à des femmes qui manifestent pacifiquement en chantant dans la rue, c'est grave pour un pays démocratique. C'est problématique qu'on réprime avec cette violence-là ce genre de mouvement." De nombreuses voix se sont élevées au sein de la classe politique pour réclamer des explications sur l'attitude des forces de l'ordre. La maire sortante et candidate à la mairie de Paris, Anne Hidalgo, s'est dite "choquée" par les charges policières. La secrétaire d'État à l'égalité hommes-femmes, Marlène Schiappa, a annoncé sur Twitter qu'un rapport avait été demandé à la préfecture de police de Paris.
#RTLMatin « Aucun pays au monde n’a atteint l’égalité femmes-hommes, pas même la France. Écarts de salaires, violences sexistes et sexuelles, inégale répartition des tâches ménagères, c’est tout un système à bouleverser, et vite ! » #8mars
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) March 8, 2020