Fin de cavale pour l’ennemi public n°1. Alors que la police allemande le pensait toujours à Berlin, Anis A. a été abattu à trois heures du matin devant la gare de Sesto San Giovanni, en banlieue de Milan, lors d’un simple contrôle de routine. Selon le ministre italien de l’Intérieur, Marco Minniti, le djihadiste présumé a sorti une arme en voyant les deux policiers s’approcher et a immédiatement tiré, blessant légèrement l'un d'eux. "Cette personne est sans l’ombre d’un doute Anis A.", a insisté l’homme politique. Ce Tunisien de 24 ans était en fuite depuis l'attentat qui a fait, lundi, 12 morts et 50 blessés sur un marché de Noël berlinois.
30 heures pour préparer sa cavale. Passé le soulagement, ce sont les interrogations qui prédominent. Comment cet homme, dans le viseur de tous les services de renseignement, a-t-il pu traverser ainsi l’Europe, passer plusieurs frontières, et ce malgré un renforcement des effectifs douaniers ? Le cafouillage des autorités allemandes dans les premières heures qui ont suivi l’attentat est pointé. Lundi soir, les enquêteurs avaient assuré avoir mis la main sur l’auteur de l’attaque : ils désignent un migrant pakistanais arrêté grâce à un passant. Le lendemain, l’homme est relâché. Les investigations ont prouvé qu’il n’avait rien à voir avec le drame, ses empreintes digitales n’étaient pas dans le camion-bélier.
Pendant 30 heures, Anis A. a donc eu le temps de préparer sa fuite. Des images de vidéosurveillance le montrent mardi à 3h49 du matin – soit 8 heures environ après l’attentat – devant une mosquée de la capitale allemande soupçonnée d’être un centre de recrutement pour les djihadistes berlinois. Mais le lieu de culte – dans lequel le Tunisien s’est déjà rendu au moins à deux reprises – est fermé. La suite de son périple est on ne peut plus flou.
Passage probable par la France. Anis A. aurait transité par la France. Les enquêteurs ont en effet retrouvé dans son sac à dos un billet de TGV, reliant, jeudi après-midi, Chambéry à Milan, en passant par Turin. Selon nos informations, il serait arrivé dans la cité des Alpes depuis un train en provenance de Lyon Part-Dieu. Hasard du calendrier : François Hollande était au même moment à Chambéry pour inaugurer un hôpital. Reste à savoir comment le djihadiste présumé est parvenu à rallier l'Hexagone : a-t-il traversé l’Allemagne, puis la Suisse ? Arrivait-il de Paris ? Par quel moyen de transport ? A-t-il bénéficié de complicités ? Autant de questions qui restent pour l’heure sans réponse.
Cette cavale relance une nouvelle la question des frontières au sein de l’espace Schengen. Après l’attentat, la France avait annoncé un renforcement de sa frontière avec l’Allemagne. "On ne peut pas contrôler chaque voiture, chaque train, c’est totalement illusoire", assure Alain Juillet, ancien directeur du renseignement à la DGSE et président de l'académie de l'intelligence économique. Les contrôles se font principalement sur les véhicules qui arrivent en France et non ceux qui en partent. Seule certitude : désormais, les enquêtes pour terrorisme nécessitent une collaboration poussée entre les différents services européens. "On ne peut plus travailler pays par pays car ces réseaux terroristes ont des implantations partout", poursuit l'expert. La cellule franco-belge des attentats du 13-Novembre et de Bruxelles en est un triste exemple.