Après 96 heures de garde à vue dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat au couteau d'un enseignant vendredi à Arras (Pas-de-Calais), l'assaillant, et possiblement d'autres suspects, seront présentés mardi à un juge d'instruction antiterroriste de Paris en vue d'une éventuelle mise en examen. Onze personnes étaient en garde à vue à la Sous-direction antiterroriste de la police judiciaire (Sdat) et à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) lundi matin, selon une source policière.
Suivi par la DGSI "depuis la fin du mois de juillet"
Trois gardes à vue ont été levées dans la journée lundi, selon cette même source. Aucune information n'a été donnée sur le nombre de suspects qui pourraient être présentés mardi à un magistrat antiterroriste. Le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard tiendra mardi à 14 heures une conférence de presse au tribunal judiciaire de Paris pour faire un point sur l'enquête. Parmi les gardés à vue figure l'assaillant, Mohammed Mogouchkov, 20 ans, fiché pour radicalisme.
Vendredi vers 11 heures, muni d'un couteau, il s'est rendu à son ancien établissement, la cité scolaire Gambetta-Carnot. Il a mortellement poignardé Dominique Bernard, professeur de français âgé de 57 ans, puis blessé trois autres personnes avant d'être interpellé par une patrouille de police. Mohammed Mogouchkov était suivi par la DGSI "depuis la fin du mois de juillet", selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, par des écoutes et des mesures de surveillance physique.
Il avait été contrôlé jeudi, la veille des faits, sans "qu'aucune infraction ne puisse lui être reprochée", selon une source du renseignement. Au cours de sa garde à vue, il "ne s'est pas expliqué", a précisé une source policière.
Fratrie signalée
Deux de ses frères ont également été placés en garde à vue: son cadet, âgé de 17 ans, qui se trouvait à proximité d'un autre établissement scolaire d'Arras, mais sans arme, et son aîné, actuellement incarcéré. Ce dernier a été condamné à cinq ans d'emprisonnement, en 2023, pour ne pas avoir dénoncé un projet d'attentat aux abords du palais de l'Elysée. Il a ensuite été condamné pour apologie du terrorisme. Mohammed Mogouchkov, né dans la République russe à majorité musulmane d'Ingouchie, selon l'administration, est arrivé en France en 2008. Il faisait l'objet d'une surveillance des services de renseignements en raison de ses liens avec son frère aîné.
Lui "et même la fratrie avaient fait l'objet depuis plusieurs années de signalements de la part des enseignants" du lycée à Arras, a déclaré dimanche le ministre de l'Education nationale Gabriel Attal. Le père de l'assaillant, fiché S et expulsé en 2018, "était tenant d'un islam radical", selon le ministre de l'Intérieur. "Le père et le frère aîné ont eu une influence déterminante, semble-t-il, dans le passage à l'acte" de Mohammed Mogouchkov, selon l'une des sources policières à l'AFP.
Dépeint comme "violent"
Parmi les gardes à vue levées lundi : celles de la sœur de l'assaillant, née en 2005. Cette dernière "est horrifiée par les agissements de ses frères" et "elle ne comprend pas pourquoi son frère s'en est pris à ce collège", a relaté à l'AFP Mikaël Benillouche, son avocat, contacté par l'AFP. Devant les enquêteurs, elle a raconté avoir "vu son frère Mohammed devenir de plus en plus dur dans sa pratique de l'islam" et l'a dépeint comme "violent", selon son conseil.
Selon le Parisien, les gardes à vue de la mère, d'un oncle de l'assaillant et d'un détenu, ont également été levées. L'assaillant échangeait sur les réseaux sécurisés avec ce dernier qui présente un "profil vraiment inquiétant" et s'est fait remarquer au cours de sa détention pour son "influence auprès des codétenus", selon une source proche. Sa garde à vue a été levée en attendant d'autres investigations techniques, selon le quotidien.
Vendredi, rapidement après les faits, le parquet national antiterroriste a ouvert une enquête pour assassinat et tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste criminelle. Cette attaque, commise trois ans après l'assassinat du professeur Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) selon le même mode opératoire, a de nouveau jeté l'effroi, en particulier chez les enseignants.
Le président Emmanuel Macron a promis lundi que l'école resterait un "rempart contre l'obscurantisme" et "un sanctuaire pour nos élèves et pour tous ceux qui y travaillent". Il assistera jeudi aux obsèques de Dominique Bernard à la cathédrale d'Arras.