L’assassinat de Samuel Paty, vendredi à Conflans-Sainte-Honorine, a créé une onde de choc en France. Des dizaines de milliers de personnes nt rendu hommage dimanche au professeur d’histoire de 47 ans, décapité pour avoir montré des caricatures de Mahomet lors d’un cours sur la liberté d’expression. Autant que la violence de l’acte, c’est aussi le profil de l’assassin, tué par la police, qui interpelle. Il s’agit d’une Tchétchène tout juste âgé de 18 ans, inconnu des services de renseignement. "J’ai émis l’hypothèse d’un type de terrorisme nouveau, communautariste et plus simplement djihadiste", explique lundi sur Europe 1 Bernard Rougier, professeur à la Sorbonne Nouvelle, spécialiste de l’Islamisme, auteur de Les territoires conquis de l’Islamisme.
"On a affaire à un parfait anonyme, mais qui est déjà imprégné d’islamisme"
"On ne peut pas faire grand-chose dans ce type de situation", admet l'expert, fataliste. "Il n’est pas membre d’une organisation djihadiste, c’est ça la grande nouveauté. Il n’est pas fiché S, il n’est pas sous les radars des services de renseignement. L’assassin n’a pas accompli un ordre donné de l’extérieur, n'était pas membre d’Al-Qaïda ou de l’Etat islamique, n’a pas subi un entrainement. C’est pas le profil de Mohamed Merah, des frères Kouachi ou de Coulibaly", complète Bernard Rougier.
C'est donc tout un environnement qu'il faut questionner. "On a affaire à un parfait anonyme, mais qui est déjà imprégné d’islamisme d’après ce qu’on sait", relève le spécialiste. "Il était à Toulouse en 2018-2019 dans un club de sport, de lutte, apparemment très imprégné de conservatisme religieux. Il est dans des milieux, dans des univers sociaux, qui certainement le font être réceptif à ce qui a pu se passer, à toute la mobilisation sur Facebook, Twitter, les vidéos…"
"Ils ont construit une indignation, aggravé la réalité de l’offense, fourni des arguments pour des passage à l’acte"
Car voilà aussi l'un des enseignements du drame : le rôle des réseaux sociaux et de ceux qui s'en servent. Onze jours avant d'être assassiné, Samuel Paty avait donné ce fameux cours sur la liberté d'expression, au cours duquel il a montré deux caricatures de Mahomet, après avoir pris soin de demander à ceux qui pourraient se sentir offensés de quitter la pièce. Insuffisant notamment pour le père d'une élève, qui n'a pas pourtant assisté au cours, et pour le militant islamiste Abdelhakim Sefrioui, qui s'est chargée de la mobilisation en ligne.
"Ils ont rejoué le père de famille et l’agitateur, toute l’affaire des caricatures du prophète de 2005-2006", décrypte Bernard Rougier. "C’est exactement le même travail. Ils ont construit une indignation, plus ou moins factice, ils ont aggravé la réalité de l’offense, ils ont fourni des arguments pour des passages à l’acte ultérieurs."