Sa mère en était persuadée, Foued Mohamed-Aggad, parti en Syrie, était mort dans un attentat-suicide en août 2015. Et pourtant c'est par un SMS de sa belle-fille qu'elle apprend que son fils faisait partie du commando du Bataclan le 13 novembre 2015. Il se serait fait passer pour mort en Syrie pour mieux passer sous les radars des services de renseignement français, révèle Libération vendredi.
S'il revenait en France, "ce serait pour faire un sale truc". Le quotidien a pu consulter des notes de la DGSI (Direction Générale du Renseignement intérieur), déclassifiées à la demande des juges d'instruction parisiens, qui racontent la vie des djihadistes en Syrie. Dans un rapport du 12 novembre 2015, la veille des attentats, les services de renseignements notent que "l'intéressé n'a plus donné de nouvelles à ses proches depuis le 24 août alors qu'il ne restait jamais plus d'une semaine sans les contacter."
Aurait-il quitté Raqqa, en Syrie, où il résidait depuis un an ? Serait-il en route pour la France ? Cette absence de contacts est d'autant plus inquiétante qu'en 2014, le jeune Strasbourgeois avait assuré à sa mère que s'il revenait en France, "ce serait pour faire un sale truc".
Une mort feinte pour brouiller les pistes ? Pourtant dès l'été 2015, son discours avait changé : "Il y a quelque temps, Foued avait prévenu sa famille qu'il ne rentrerait pas en France, et ce même dans le but d'y commettre des attentats sur ordre, car il ne s’estimait pas encore assez fort pour tomber en martyr." Cette nouvelle déclaration est-elle destinée à brouiller les pistes de la DGSI ? Ce fameux 24 août, il avait d'ailleurs fait ses adieux à sa famille "ne sachant pas s’il allait revenir vivant ou s’il les reverrait au paradis", rapporte une note du 26 novembre.
La mère de Foued Mohamed-Aggad avait alors enquêté pour savoir si son fils était vivant ou mort. Pour cela, elle avait contacté la mère d'un autre djihadiste français en Syrie. C.S. avait alors assuré, en s'appuyant sur des photos, que son fils était mort dans un attentat-suicide. Sûr de ses informations "à 99%", le djihadiste avait même précisé que l'attentat avait eu lieu "un jour seulement" après le départ du jeune homme de Raqqa.
Deux mois pour rejoindre Paris. Mais selon la note du 12 novembre de la DGSI, "l'intéressé [Foued Mohamed-Aggad] fait partie d'un groupe de 21 combattants de la région d'Al-Bab ayant rejoint Mossoul (Irak), où ils ont laissé leurs femmes, avant de partir le 24 août en mission pour au moins deux mois, sans connaître les modalités de cette opération et sans possibilité de donner de nouvelles – il leur était interdit d’emporter leur tablette ou téléphone", cite Libération.
Deux mois, c'est le temps que mettra Foued Mohamed-Aggad pour rejoindre Paris en traversant plusieurs pays d'Europe. Il a été récupéré, avec deux autres kamikazes du Bataclan, le 17 septembre à la gare de Keleti, en Hongrie, par Salah Abdeslam, selon les informations collectées par le Centre d'analyse du terrorisme.
En Syrie depuis décembre 2013. Radicalisé sur Internet, le jeune homme de 23 ans au moment des attentats était parti en Syrie en décembre 2013 avec une douzaine d'autres jeunes habitants d'un quartier sensible de la Meinau (à 60km de Strasbourg). Rejoint par sa femme, il se disait très heureux de sa vie syrienne. "Il s'était marié et venait d'avoir un enfant", a raconté l'avocate de la famille Mohamed-Aggad, Françoise Cotta, en décembre 2015. "Pour lui, il n'était pas question de rentrer en France. Il disait vouloir mourir en kamikaze en Irak", avait-elle ajouté. Une volonté contredite par la suite des événements.