À la barre de la cour d'assises spéciale, jeudi, l'heure n'était pas à l'enquête sur le commando meurtrier des attentats du 13-Novembre, ni au déroulé précis de cette soirée macabre au coeur de Paris. Au 30e jour du procès des attaques, ce sont les proches des personnes mortes sous les balles des terroristes, il y a près de six ans, qui ont pris la parole. Il faut le dire : ces témoignages ont déchiré le cœur de chacun dans la salle d’audience.
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Ces hommes voutés portent le deuil de leur enfant sur les épaules, littéralement. "Pour des parents, c'est ce qu'il y a de pire", annonce d’emblée François. Son fils est mort au Bataclan à l'âge de 38 ans. Comme Anne, la fille de Jean, et Hugo, 23 ans, le fils de Stéphane. Tous trois ont d’abord connu l’angoisse des heures de recherches "entre espoir, un poison puissant, et désespoir", dit Stéphane. Et puis la terrible nouvelle. "Quelque chose s’est cassé physiquement en moi", se souvient-il.
"Si je deviens un monstre, Daech aura gagné"
Il faut ensuite reconnaitre le corps de leur enfant à l’Institut médico-légal. "Ce n’était plus ma fille, son esprit s’était envolé. Un visage si triste, elle qui était solaire", décrit Jean, la voix étranglée par le chagrin. Là commence "une douleur indicible qui ne nous quittera jamais", confie-t-il.
Et puis chacun raconte la vie d’après : "Avancer en redoutant les fêtes de famille, des pères, des mères. J’ai perdu ce soir-là mon fils, mon ami, ma parcelle d’éternité. Mais je n’ai pas de haine. Si je deviens un monstre, Daech aura gagné", conclut Stéphane, qui s’est redressé à la barre, comme tous ces pères, d’une incroyable dignité.