Des chiffres catastrophiques qui risquent d'être aggravés par la crise sanitaire et économique liée au coronavirus. Le Secours Catholique-Caritas France publie ce jeudi son "Etat des lieux de la pauvreté en France". Basé sur des chiffres de 2019, le constat est sans appel : la pauvreté et les inégalités augmentent en France, de nombreux ménages sont en grande précarité. Une situation "alarmante" que décrypte sur Europe 1 Véronique Fayet, Présidente du Secours Catholique. "Les ménages sont conduits à des choix impossibles parce que leur budget ne leur permet pas de faire face à toutes les dépenses", explique-t-elle.
L'étude fait un zoom sur 3.000 foyers, suivies par l'association, afin d'étudier leur budget en détail. "On a pris des familles ou des ménages, avec ou sans enfants, qui sont logés et qui ont des revenus, soit des revenus du travail, soit des allocations diverses. Et on a calculé ce qui leur reste pour vivre, une fois payées toutes les dépenses contraintes", explique Véronique Fayet. Pour la moitié des familles, le reste à vivre s'élève entre 2 et 9 euros, par jour et par personne. Pour un quart, il ne reste que 4 euros par jour et par personne pour terminer le mois. "Ce sont des privations quotidiennes, des privations de relations. Et ça aussi, on sait que c'est important pour le développement des enfants de pouvoir se sentir comme tout le monde, de pouvoir faire des choses, partager des choses", alerte Véronique Fayet. Selon elle, les familles avec enfants sont parmi les plus pauvres en France.
Des chiffres de 2019 qui laissent présager le pire
A ce constat alarmant, il faut rappeler que ces chiffres concernent l'année 2019, soit avant l'épidémie de Covid-19. Si l'association ne dispose pas encore de statistiques, elle observe déjà de puissants signaux d'alerte quant à la dégradation de la situation de certains ménages. "Les départements ont publié des chiffres qui montrent que les bénéficiaires du RSA ont augmenté en moyenne de 10%, mais dans certains départements, c'est +15 +20%", énumère Véronique Fayet. "On voit les queues s'allonger ou distributions alimentaires et on le voit chez nous aussi au Secours catholique, avec des personnes qui viennent nous voir et qu'on ne connaissait pas".
"Ce n'était certainement pas des gens riches, soyons très clairs, mais des gens qui certes vivaient dans une précarité, une très grande frugalité, mais s'en sortaient. C'est notamment le cas des jeunes qui basculent vraiment dans la pauvreté et se trouvent dans un dénuement extrême", précise-t-elle, pointant également la situation des travailleurs pauvres, "des gens qui ont toujours travaillé, qui n'ont jamais rien demandé à personne et qui, tout d'un coup, basculent."
Vers les 10 millions de Français sous le seuil de pauvreté
Au début de l'année 2020, l'Insee faisait état de 9.800.000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté en France, selon des données datant de 2018. "C'est évident qu'avec cette crise, on va passer la barre des 10 millions de personnes qui, en France, vivent sous le seuil de pauvreté, au sens monétaire du terme, c'est 15% de la population. C'est un vrai scandale", réagit la présidente du Secours Catholique.
Les associations plaident pour "un plancher social" afin d'assurer aux Français un "revenu minimum digne", face "aux aléas personnels" mais aussi collectifs, telle que la crise sanitaire. "C'est à dire très concrètement, augmenter les minima sociaux. Le RSA, aujourd'hui, pour une personne seule, c'est un peu plus de 500 euros par mois. Donc, ça ne permet pas de vivre, ça permet de survivre", souligne Véronique Fayet.
La demande des associations : élever les minimas sociaux au niveau du seuil de pauvreté, tel que défini par l'Insee, soit 890 euros, pour une personne seule, par mois. "Je pense que ce n'est pas excessif d'avoir cette ambition et c'est ce que nous demandons fortement au gouvernement depuis des mois et des mois", ajoute la présidente du Secours Catholique. "Ce n'est pas nouveau, mais nous continuerons à porter cette demande."