Depuis les attentats de Paris, les mesures exceptionnelles permises par l'état d'urgence l'ont quelque peu éclipsé. Un an plus tard, le plan Vigipirate revient sur le devant de la scène sous une nouvelle forme, mieux adaptée à la nature et à la durabilité de la menace terroriste. Commandé par l'exécutif en 2015, et validé par un Conseil de Défense réuni mercredi à l'Elysée, "Vigipirate plus" est entré en vigueur jeudi, à moins d'un mois des fêtes de fin d'année.
Une classification inadaptée. Conçu en 1978 et activé pour la première fois lors de la guerre du Golfe, le plan Vigipirate avait déjà été revu en 2013. Le dispositif avait alors perdu ses cinq couleurs (blanc, jaune, orange, rouge, écarlate), pour revenir à deux niveaux : "vigilance" - pouvant être "renforcée" - et "alerte attentats". Mais après le 13-Novembre et l'attentat de Nice, cette classification s'est révélée inadaptée : l'Ile-de-France et les Alpes-Maritimes sont par exemple restées en "alerte attentats" alors que certaines mesures exceptionnelles ne s'y appliquaient plus, tandis que le reste du territoire demeurait en "vigilance renforcée". "Or, en réalité, on traite désormais le territoire de manière globale", explique Louis Gautier, responsable du Secrétariat général à la Défense nationale (SGDSN).
Dans cette optique, "Vigipirate plus" comprend désormais trois niveaux, décidés par le Premier ministre sur avis des services compétents. Le premier, "vigilance", s'applique en permanence autour d'un "socle" de mesures de prévention, comme l'étiquetage obligatoire des bagages. Le deuxième, totalement rénové, est baptisé "sécurité renforcée - risque attentat". Il traduit la réponse de l'Etat à un "niveau élevé" de menace terroriste, telle qu'elle s'applique actuellement, avec des mesures familières depuis les attentats : fouilles corporelles ou des sacs, portiques électroniques, accès restreints des parents dans les écoles….
Le troisième niveau, "urgence attentat", déclenche un état de vigilance et de protection maximal. Il peut être mis en oeuvre dans deux cas de figure : si une menace d'attaque terroriste s'avère "documentée et imminente", ou à la "suite immédiate d'un attentat". Ce niveau ne doit en principe durer que quelques jours, et en tout cas "pas plus d'un mois", selon le SGDSN. Concrètement, il prévoit l'activation d'une cellule de crise, qui peut décider de mesures exceptionnelles comme la fermeture des transports en commun et des routes ou la suspension des sorties scolaires. Comme pour le dispositif alerte enlèvement, des messages d'alerte à la télévision, à la radio, sur internet et les applications mobiles peuvent aussi être diffusés.
Un spectre des scénarios élargi. "Vigipirate plus" élargit également le spectre des attentats possibles. Une longue brochure, disponible sur le site du SGDSN, détaille par exemple le plan à suivre en cas d'attaque sur un ferry, d'empoisonnement des réseaux d'eau ou de recours à des drones. "L'idée, c'est qu'en intervention, on ait encore plus rodé toute une série de scénarios", détaille Louis Gautier. "Ça joue aussi dans la prévention, puisque les terroristes recherchent des failles de sécurité pour pouvoir commettre des attentats plus tard." Certains protocoles sont en revanche classés confidentiels et ne figurent pas dans le plan diffusé publiquement, afin qu'ils ne puissent pas être anticipés par d'éventuels futurs assaillants.
Des consignes adaptées au calendrier. Avec ce nouveau plan, les consignes envoyées par le SGDSN seront aussi plus fréquentes dans l'année, en fonction des rendez-vous saisonniers, comme la rentrée scolaire, ou des grands événements organisés en France. Le timing de publication de "Vigipirate plus", moins d'un mois avant Noël, s'inscrit dans cette logique : dans le communiqué annonçant la validation du plan, l'Elysée indique que François Hollande "a demandé de maintenir la vigilance de l'ensemble des services de l'Etat à son plus haut niveau au cours des prochaines semaines, et en particulier à l'occasion des nombreux rassemblements et festivités de fin d'année."
Au-delà du niveau de vigilance, des "postures" de sécurité peuvent en effet être ponctuellement décidées dans le cadre du plan. Alors que l'ensemble du territoire se trouve en "sécurité renforcée - risque attentat", un dispositif spécial sera donc enclenché pour les fêtes, rapporte Le Figaro. Présence policière renforcée lors des derniers week-ends de décembre, blocs de béton pour protéger les accès aux rassemblements de foule, protection des églises… Au-delà de ces mesures, le SGDSN en appelle à la vigilance de chacun, incitant les Français à consulter eux-mêmes la brochure "Vigipirate plus" pour savoir réagir en cas d'attaque. "Ça n'a pas vocation à être anxiogène", assure l'organisme. "Ça a vocation à permettre, justement, la continuation de l'activité normale de la société, tout en éveillant à une certaine conscience du danger."