Comment 1.200 personnes grimées ont-elles pu dégrader 31 commerces parisiens, dégrader le mobilier urbain sur des centaines de mètres et brûler des véhicules en marge d'un défilé anticipé par les forces de l'ordre, présentes en nombre pour l'encadrer ? La question continue de se poser au surlendemain du 1er-Mai, théâtre de scènes extrêmement violentes à Paris. Jeudi, plusieurs médias publient les témoignages de participants au groupe des "Black blocs", à l'origine de la casse selon la Préfecture de police.
"Nous sommes sans parti, sans visage". Toutes les personnes présentes dans ce groupe, en amont du défilé syndical, dont le parcours a finalement été dévié, ne se reconnaissent pas dans le terme de "Black blocs". "Nous sommes sans parti, ni visage", témoigne Raphaël, 21 ans, "fils d'ingénieur" et étudiant sur le campus bloqué de Tolbiac, interrogé par Le Parisien. Le jeune homme décrit pourtant des mécanismes utilisés par la mouvance depuis plusieurs années, et résumés dans une note du Centre de recherche de l'école des officiers de la Gendarmerie nationale (CREOGN), publiée en 2016. Des "ruses" qui permettent des rassemblements soudains, difficilement gérables par les forces de l'ordre, et limitant les risques d'arrestations a posteriori.
"On n'a jamais de portable sur nous. En cas de problème, on a un lieu de rendez-vous défini à l'avance", raconte Raphaël. Les méthodes de ces militants commencent en effet en amont des rassemblements, en limitant les contacts facilement repérables par les services de renseignement. "Envoyer un SMS, mettre un truc sur les réseaux… Il faut faire gaffe", confirme un autre homme présent dans le groupe de tête mardi auprès de Franceinfo. "On s'organise en conséquence et ça fait partie d'un apprentissage : comment s'anonymiser, comment discuter de manière safe. En gros, lutter pour pouvoir exister politiquement sans finir en prison."
"Un marteau sous un banc". En amont de la manifestation du 1er-Mai, des objets susceptibles d'être utilisés comme des armes avaient été disposés le long du trajet du cortège, selon ces témoignages. "Ça peut être aussi bien un marteau sous un banc qu'un cocktail Molotov", assure l'étudiant rencontré par Le Parisien. "On a souvent des sacs planqués, on utilise des habits réversibles, on sait se camoufler", renchérit Julien, membre assumé du "Black bloc" du 1er-Mai auprès de RMC. "Il faut avoir le visage méconnaissable pour ne pas être reconnu. Et puis avec des gants, on laisse peu d'empreintes digitales." Résultat : à moins de "se faire prendre avec un cocktail Molotov dans un sac", les risques d'arrestation sont limités.
"La mode à Paris, c'est le K-Way, mais il y a plein d'autres façons : le sweat retourné, un autre manteau noir différent…", énumère l'un des participants. Dans Libération, Johan, 24 ans, affirme que "toutes les personnes encagoulées, équipées de masques à gaz ou de lunettes de piscine, ne se livrent pas forcément aux dégradations. Toutefois, en abordant le dress code, elles acceptent d'assumer collectivement les opérations et de rendre le plus compliqué possible l'exercice d'identification par les policiers."
283 arrestations, de premières comparutions immédiates
Au total, 283 personnes ont été arrêtées à l'issue de la manifestation du 1er-Mai. Quarante-trois personnes, en majorité des hommes, se trouvaient encore en garde à vue mercredi, tandis que 49 ont été mis hors de cause et relâchés. Deux majeurs et cinq mineurs ont été remis en liberté dans l'attente de nouvelles investigations. Cinq hommes et une femme devaient être jugés en comparution immédiate jeudi après-midi à Paris, soupçonnés d'être impliqués dans les heurts qui ont émaillé le défilé.