La décision a été radicale. Mais selon la direction de l’université Paul-Valéry de Montpellier, bloquée depuis la mi-février, elle était indispensable. Le président Patrick Gilli et son équipe ont en effet décidé de faire passer la grande majorité des examens d’avril en mode "distanciel", c’est-à-dire dématérialisés , via Internet. Une décision qui concerne environ 15.000 étudiants et 800 épreuves différentes. Le défi est évidemment de taille. Depuis jeudi dernier et jusqu’à la fin de la semaine prochaine, les équipes techniques et enseignantes sont mobilisées pour le relever.
"Jusqu’à mercredi midi, les serveurs ont tenu le choc", assure Philippe Jordon, vice-président de l’université, à europe1.fr. Jeudi à la mi-journée, les épreuves étaient toutefois suspendues. La faute à un "sabotage" dans la salle des serveurs de la faculté, dénoncé dans un communiqué par son président Patrick Gilli, qui a annoncé avoir porté plainte. "Pour l'heure, tout le fonctionnement de l'université est rendu impossible par la destruction des serveurs", insiste-t-il, "alors que les premières sessions d'examen à distance se déroulaient dans des conditions satisfaisantes depuis la semaine dernière".
Voilà donc les étudiants sommés de patienter jusqu’à ce que les connexions soient rétablies. Ils ont ainsi un peu plus de temps pour se préparer à des examens qui ne manquent pas de spécificité.
Des convocations sur une plateforme dédiée
Comme pour les examens classiques, chaque étudiant reçoit une convocation pour une épreuve. Avec l’horaire et la discipline concernée, mais pas le lieu, puisqu’il s’agit juste de se trouver devant un ordinateur. L’université Paul-Valéry de Montpellier utilise la plateforme Moodle. "Depuis de nombreuses années, nous pratiquons l’enseignement à distance à travers ce système qui marche très bien. Nous avons mis à profit cette expérience", explique Philippe Joron. "Depuis le début de la première année, en licence 1, on a un compte sur la plateforme Moodle, qui nous permet d’avoir accès à tous les cours en ligne", confirme Nathan, étudiant en information-communication.
A l’heure dite, il suffit à l’étudiant de se connecter avec son compte à la plateforme. "Le sujet tombe, et on a un temps imparti pour envoyer le dossier de réponse", poursuit l’étudiant. Et quand la deadline est passée, il est trop tard pour envoyer sa copie virtuelle. La main passe alors aux enseignants, qui reçoivent les réponses, corrigent et envoient la note sur le logiciel de l’université.
Des dispositions pour limiter la triche
Evidemment, quand on pense examen en ligne, l’une des premières choses qui vient à l’esprit, c’est la possibilité pour les étudiants de surfer sur Internet, de consulter ses cours ou de se faire aider par un camarade ou un proche. Bref, de tricher un peu. "Le problème se pose aussi en examen présentiel. La triche est une possibilité, mais il n’y a pas nécessairement plus de risques pour un examen en ligne", veut croire Philippe Joron, le vice-président de l’université.
"Ce qui est fait d’abord, c’est que le temps est limité, avec des durées variables en fonction de la nature des épreuves", poursuit ce professeur de sociologie. "C’est vrai que cette contrainte de temps joue. On n’a pas beaucoup de temps pour potentiellement consulter ses cours", admet Nathan. "Et de toute façon, c’est vraiment dangereux de se mettre devant l’ordinateur le jour de l'épreuve et de découvrir qu’on ne sait pas de quoi le sujet parle. Moi, même si je savais que j’allais avoir accès à mes cours pendant l'examen, j’avais travaillé avant", assure le jeune homme.
Par ailleurs, les cours sont retirées de la plateforme Moodle pendant les épreuves, pour ne pas trop tenter les étudiants. Autre garde-fou : "les enseignants qui auraient un doute ont la possibilité de passer la copie par un logiciel pour voir s’il y a du plagiat", explique Philippe Joron. Il est donc fortement déconseillé de céder à la tentation de copier-coller des fiches Wikipedia.
Des questions adaptées aux épreuves
C’est la suite logique du point précédent. Devant l’impossibilité de limiter totalement le recours à des aides extérieures, les professeurs s’adaptent. "Les questions sont plus ouvertes qu’en présentiel", témoigne Nathan. "Il faut avoir une interprétation personnelle. Les sujets valident plus une manière de réfléchir qu’un simple contrôle des connaissances", assure le jeune homme.
En outre, les étudiants ne jouent pas leur année sur ces partiels. Le contrôle continu prend aussi une large part dans la note finale. Mais pour la direction de l’université, il était hors de question de zapper ce passage obligé. "C’est l’occasion de montrer qu’on ne délivre pas de diplôme low-cost", se félicite Philippe Joron. "C’est hors de question qu’il y ait un semestre blanc, ou d’accorder 10/20 voire 12/20 comme certains le réclament."
Un système qui a ses limites
Même si l’équipe dirigeante de l’université Paul-Valéry affiche sa satisfaction, il n’est est pas de même pour les étudiants. "Il y a une rupture d’égalité en termes d’accès au numérique, mais aussi en cas de problème technique", dénonce Baptiste Arnoux, président de l’Unef Montpellier. "Tout a été mis en œuvre en matière de communication pour que chaque étudiant ait accès, soit à la bibliothèque, soit dans des salles de l’université, à un ordinateur", assure de son côté Philippe Joron. "Une réponse qui n’a pas convaincu, puisque des recours sont à l’étude. "Il y a des chances que cela se termine devant le tribunal administratif", prévient Baptiste Arnoux.
Lui n’a jamais encore testé l’examen en ligne. Mais Nathan confirme des difficultés. "Ça implique d’avoir un ordinateur, d’avoir une bonne connexion. Moi, les trois que j’ai passés se sont bien déroulés, mais j’ai eu peur que ma connexion saute au moment d’envoyer mon dossier-réponse. C’est générateur de stress", raconte l’étudiant en "info-com", qui regrette aussi les conditions d’organisation. "Ça change tous les jours, ce n’est pas gérable. On s’adapte, mais ce n’est pas l’idéal. A l’avenir, les examens en ligne, pourquoi pas, mais pas comme ça !"
Consciente des limites de l’exercice, l’université Paul-Valéry assure qu’elle sera indulgente. "Si un élève a rencontré des problèmes techniques, à lui d’entrer en contact avec nos équipes pour voir comment on trouve une solution", rassure Philippe Joron. "Mais il y aura une certaine tolérance, une certaine compréhension des équipes pédagogiques." Et pas question d’abandonner le dispositif, d’autant que les blocages perdurent. Le vice-président de Paul-Valéry se projette déjà vers les sessions de rattrapage, en mai. "Qu’elles soient organisées en ligne, c’est fort probable. D’autant qu’on bénéficiera de l’expérience acquise", sourit Philipppe Joron.