Lundi matin, le climat dans les prisons de France est toujours "extrêmement tendu". "Comme le sont nos conditions de travail", dénonce Jean-François Forget, secrétaire général de l'Ufap-Unsa, syndicat majoritaire de l’administration pénitentiaire, au micro d'Europe 1 lundi. Après un week-end à nouveau marqué par les agressions, les blocages ont repris devant les portes d'entrée de très nombreuses maisons d'arrêt. Les syndicats ont d'ores et déjà prévenu : le mouvement est reconductible jusqu'à ce que les revendications soient entendues.
Les surveillants déterminés. À 6 heures, à Fleury-Merogis, les premiers pneus et les premières palettes ont été disposés devant l'entrée de la maison d'arrêt. Malgré la pluie battante, des dizaines de surveillants pénitentiaires ont pris place avec un mot d'ordre : "On ne lâchera rien". Aujourd'hui encore, il n'y aura pas de mouvements, pas d'entrées et pas de sorties dans cette prison. "On exige que les personnels à l'intérieur travaillent en sécurité. Ne sont faits que les mouvements prioritaires tels que les parloirs, la promenade et les repas. On exige que tous les mouvements subsidiaires soient supprimés, comme le culte, le sport, la poterie, la peinture… On ne lâchera pas la pression jusqu'à ce que le ministère cède", assure Alexandre Caby, délégué Ufap-Unsa, interrogé par Europe 1.
Rongé par la colère, Thibaud Capelle, secrétaire FO-Pénitentiaire, ne compte pas partir sans avoir obtenu gain de cause du ministère, tant sur la sécurité que sur la rémunération. "Les collègues sont en train de crever sous les coursives ! Ils ont pris des coups de lame. On n'est pas venus chercher du petit gagne-pain", s'indigne-t-il. "Ils pensaient qu'on était des petits toutous bien gentils, bien aux ordres. Mais au bout d'un moment, quand le petit toutou ne peut plus avancer parce qu'il a fait 60 heures, qu'il n'a pas vu sa femme, qu'il n'a pas vu ses gosses… Eh bien le toutou, il est devant les portes de l'établissement et il n'a plus envie de lâcher quoi que ce soit", vocifère le gardien.
Reprendre le dialogue avec le ministère. Dans la nuit, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a indiqué souhaiter "reprendre immédiatement le dialogue". "C'est la raison pour laquelle elle recevra, dès ce jour, l'ensemble des organisations syndicales représentatives", précise son ministère. Samedi les deux syndicats ayant participé aux négociations avec le gouvernement, l'Ufap-Unsa (40%) et la CGT-Pénitentiaire (environ 15%) ont refusé de signer le "projet d'accord", jugé en-deçà des attentes (indemnités, statut, création d'emplois insuffisante).
Pour "un retour de l'ordre en détention". "On réclame toujours des établissements spécialisés pour la prise en charge des détenus radicalisés, et on n'a aucun engagement là-dessus. Ça freine des quatre fers", s'agace Jean-François Forget. "On ne parle pas de regroupement des détenus radicalisés, on parle d'isolement total, d'étanchéité avec le reste de la population pénale. N'oublions pas qu'on a 1.500 radicalisés, et 500 terroristes. Quelques mesurettes pour les placer à droite ou à gauche, ça ne suffit pas". Pour le secrétaire général du syndicat, "un retour de l'ordre en détention s'impose. Il y a matière à clarifier un certain nombre de propositions qui ont été faites".
"Envoyer un message clair au gouvernement". Sur place, les surveillants pénitentiaires semblent plus déterminés que jamais. "Nous appelons à durcir les actions. Tout le monde est motivé à repartir au combat. Ce qui a été proposé par l'administration est un véritable affront, ce qui a chauffé la base à blanc", juge Alexandre Caby, qui prédit "un blocage dur et compliqué, avec des centaines de personnels devant toutes les portes d'établissements de France et de Navarre". "Nous allons envoyer un message clair au gouvernement et à notre administration centrale. Nous n'avons pas l'intention de céder".
Le point sur les blocages lundi matin
Lundi matin "115 établissements étaient bloqués en France" sur les 188 du pays, a affirmé le secrétaire national de FO Emmanuel Baudin. Aucun chiffre n'était disponible pour l'heure auprès de l'administration pénitentiaire.
À Fresnes, dans le Val-de-Marne, une cinquantaine de surveillants pénitentiaires étaient rassemblés dans le calme. La mobilisation était aussi suivie dans le reste de la région parisienne (Melun, Villepinte) et dans plusieurs villes en région.
Des blocages ont été mis en place à Metz et Sarreguemines, en Moselle, Saint-Mihiel et Montmédy, dans la Meuse, Ecrouves, Nancy et Toul, en Meurthe-et-Moselle, Strasbourg et Oermingen, dans le Bas-Rhin, Mulhouse et Ensisheim, dans le Haut-Rhin.
En Auvergne-Rhône-Alpes, les principaux établissements sont bloqués et le resteront "jusqu'à ce qu'on nous déloge", a indiqué Dominique Verrière, secrétaire régional de l'Ufap-Unsa.