C'est un phénomène qui inquiète et qui avec l'apparition des réseaux sociaux, prend toujours plus d'ampleur : la prostitution de mineures. Jusqu’à 10.000 adolescentes se prostituent aujourd’hui en France. Un chiffre toutefois sous-estimé selon les associations, et en augmentation depuis six ans, qui a donné lieu à un plan interministériel de 14 millions d’euros mis en place depuis un an. Dans la continuité de ce plan, une campagne vient d’être lancée à destination des professionnels de l’enfance.
Elle est organisée du 24 novembre au 16 décembre par la Fédération nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles, dans l’objectif de mieux prévenir et repérer les éventuels risques d’exploitation sexuelle chez les mineures.
Des modèles sur Snapchat et Instagram
Parmi les facteurs identifiés, qui poussent de très jeunes femmes à se prostituer, un phénomène inquiète : la "glamourisation" du proxénétisme sur les réseaux sociaux, très difficile à déconstruire auprès des victimes. Car les adolescentes admirent de plus en plus de comptes "d'influenceurs" mettant en avant leur sexualité libérée. La fille de Jennifer s’est prostituée de ses 14 à ses 16 ans, et sa mère admet qu’internet s’est révélée être une porte d’entrée très efficace.
"Ça a débuté sur Snapchat et sur Instagram, elle s’abonnait à des influenceuses qui représentaient un modèle pour elle", commence Jennifer. "Elle était du genre à mettre des photos avec des choses très courtes au début, et plus elle mettait des photos comme ça, plus elle avait des abonnés", rapporte la mère de la jeune adolescente.
"L’effet Zahia"
La prostitution présentée positivement, c’est l’effet "Zahia", du nom de cette escort-girl devenue célèbre après être tombée dans le proxénétisme en tant que mineure et avoir compté, parmi ses clients, de célèbres footballeurs."Zahia a révélé que c'était son petit ami qui l'avait prostituée à quinze ans, et régulièrement violée”, décrypte Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis. "Donc ce n’est pas le bonheur dont elle donne l'image par ailleurs", poursuit-elle. "Cette transformation du réel par les images de réseaux sociaux, ça a des conséquences sur la jeunesse particulièrement".
Cela alimente aussi l’idée d’une prostitution choisie, ce qui est impossible pour une mineure, explique la psychologue Mélanie Dupont. "La loi de 2002 définit bien qu'un mineur qui se prostitue est un mineur en danger, ce qui nécessite la protection d’un juge des enfants", complète-t-elle. "On ne peut donc pas entendre la notion de consentement, même si les jeunes victimes le revendiquent", argumente Mélanie Dupont. "En dessous de 18 ans, c’est de l’exploitation sexuelle, c’est le terme qui convient le mieux". Les associations regrettent que rien ne soit fait par les réseaux contre cette glamourisation.