En football, on pourrait appeler ça raccrocher les crampons. Orange, anciennement France Télécom, prépare l'extinction du téléphone fixe. L'opérateur historique prévoit de neutraliser, à partir de 2020, son ancien réseau téléphonique (les détails ici). Les près de 13 millions d'appareils connectés à une simple prise téléphonique deviendront alors inopérants, comme l'explique l'Arcep dans un communiqué. Certes, les personnes qui ont un abonnement internet comprenant leur ligne téléphonique ne sont pas concernées. Mais c'est une nouvelle page qui se tourne dans la longue et déclinante histoire du téléphone fixe, qui résonne encore dans la tête de nombreuses générations de Français.
>> Un téléphone fixe, en 1876 :
"Quatre ou cinq appels par jour". "La première image qui me vient à l'esprit, c'est celle du téléphone en ébonite noire, très lourd, avec le cadran qu'il fallait tourner. Jusqu'à il y a une quarantaine d'année, tout le monde avait le même modèle, fourni par les PTT!", se souvient Olivier, 57 ans, interrogé par Europe 1.
>> Des téléphones en ébonite, lors d'une réunion au ministère de l'Intérieur en 1946 :
Olivier se rappelle d'une période pas si lointaine où le téléphone "ne sonnait que quatre ou cinq fois par jours, alors qu'on était une famille nombreuse et qu'il n'y avait pas de SMS!". "Cela avait déjà un aspect collaboratif. Chaque téléphone avait un petit écouteur et une deuxième personne pouvait écouter la conversation. Ce n'était pas les réseaux sociaux, mais cela pouvait donner des conversations à 2,5 personnes", ironise-t-il. "On ne parlait pas de téléphone fixe, mais de téléphone tout court puisqu'il n'y avait que ça", poursuit-il.
"Peu d'intimité". Ceux nés avant l'essor des téléphones portables (le Bi-Bop de France télécom débarque en 1991 en France) ou sans fil se souviennent tous des conversations accrochées à l'unique téléphone de la famille, dans le séjour, le couloir ou le salon. "Il y avait peu d'intimité, c'était difficile d'avoir une conversation secrète", confirme Olivier. "L'image qui me vient est évidemment celle de mon adolescence ! Je pouvais passer deux heures au bout du fil avec mes copines… avant de me faire gronder par ma mère car je monopolisais le seul téléphone disponible !" abonde Clémentine, 40 ans. "Avant d’avoir un portable, j’ai utilisé pendant quelques années le fixe de la maison et entendu à de multiples reprises mes parents me dire 'bon, ça suffit, tu raccroches maintenant !!'", confirme aussi Grégoire, 19 ans et titulaire d'un mobile depuis sept ans.
Quand chaque minute comptait ! Et concernant la facture, les enjeux étaient, à la grande époque du fixe, loin d'être les mêmes qu'aujourd'hui, où la plupart des opérateurs proposent des abonnements illimités. Il y a encore quelques années, avec le "fixe", chaque minute comptait ! "Je me rappelle que mon père nous convoquait tous les mois, facture à l'appui, avec mes deux sœurs. Qui avait-on appelé ? Pourquoi ? Combien de temps ? Il voulait tout savoir et tout contrôler ! Il étudiait ligne par ligne de chaque facture", témoigne Justine, 29 ans.
"Le portable l'a remplacé". Pour autant, regrettera-t-on le fixe ? Les plus jeunes générations, elles, ont déjà tourné la page. "Depuis que j’ai eu mon premier portable, au collège, il a remplacé peu à peu le téléphone fixe de la maison", raconte Grégoire. "Le portable est tellement pratique et facile à utiliser qu’il laisse peu de place au fixe", poursuit-il.
"Je ne le regretterait pas vraiment", enchaîne Clémentine, la quadragénaire. "Enfant, lorsqu'il y avait le cadran, c'était amusant de jouer avec. On se prenait pour des détectives. Mais à part ça… Aujourd'hui, je n'imagine plus rester statique en téléphonant", s'explique-t-elle, tout en reconnaissant : "lorsque je veux me reposer les oreilles, je prends le fixe. Mais le sans-fil hein !"
"Je me sens en sécurité avec le fixe". Olivier, lui, n'est pas prêt de s'en passer définitivement. Il tient à son fixe… et tous les arguments sont bons à prendre pour le défendre : "On entend mieux avec un fixe. Et puis je me sens plus en sécurité. Lorsqu'il y a un fil, c'est peut-être dans ma tête, mais j'ai l'impression que ça ne va pas couper! Je trouve ça rassurant."