Le gouvernement a visiblement changé d'avis. Invité de France Inter lundi, Gabriel Attal, le ministre délégué en charge des Comptes publics, ne semblait pas vraiment déterminé à lancer une procédure de réquisition pour mettre fin aux mouvements sociaux dans les raffineries. "On a vu par le passé, dans certains conflits de ce type, qu'il y avait pu y avoir des décisions de réquisition prises, qu'elles avaient été d'une efficacité limitée", déclarait alors l'ancien porte-parole du gouvernement.
Changement d'ambiance ce mardi lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. Évoquant une "situation insupportable" en Île-de-France et dans les Hauts-de-France où la pénurie de carburant est particulièrement visible, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé le lancement de cette procédure de réquisition. Explications de cette procédure, qui concerne les dépôts de Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône et de Notre-Dame-de-Gravenchon en Seine-Maritime.
Le gouvernement peut-il lancer une telle procédure ?
Devant un dialogue social au point mort, le gouvernement peut effectivement ordonner la réquisition des salariés grévistes, comme le prévoit le Code de la Défense. Des décrets en ce sens doivent néanmoins être pris en conseil des ministres.
Par ailleurs, il faut que la situation présente un caractère d'urgence et que la grève entrave le bon fonctionnement de services essentiels. D'où les interrogations soulevées par certains juristes. "Venir invoquer le droit de chaque Français à pouvoir approvisionner son véhicule personnel, on serait dans une entrave excessive au droit de grève", estimait lundi sur France 2 Marlène Elmassian, avocate, spécialiste du droit du travail.
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Toutefois, le gouvernement ne devrait pas procéder lui-même aux réquisitions. Selon toute vraisemblance, il devrait plutôt saisir les préfets départementaux qui seront donc chargés de faire appliquer la procédure en vertu de l'article L2215-4 du Code général des collectivités territoriales. Ce dernier offre la possibilité aux préfets de "réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service".
Une telle procédure est-elle synonyme de fin de grève ?
Les salariés réquisitionnés seront désormais contraints de reprendre leur activité. En cas de refus, ils encourent une peine de six mois d'emprisonnement accompagnés d'une amende de 10.000 euros. En 2010, une situation identique s'était produite lorsque plusieurs raffineurs s'étaient mis en grève pour protester contre la réforme des retraites de l'époque.
Toutefois, il est impossible pour les préfets d'ordonner le retour d'un service normal. Afin de ne pas porter atteinte au droit de grève, ils peuvent seulement demander le rétablissement d'un service minimum. Par ailleurs, la CGT - qui a dénoncé une "remise en cause du droit de grève" - a d'ores et déjà indiqué vouloir se rendre devant les tribunaux "pour faire annuler" ces réquisitions. Le retour à la normale dans les stations-service ne sera donc pas immédiat.
Un moyen pour le gouvernement d'affirmer son autorité
En lançant la procédure de réquisition, le gouvernement tente d’affirmer son autorité et de combler son retard à l’allumage. Un retard concédé par certains conseillers en privé : selon les informations d'Europe 1, plusieurs préfets avaient en effet proposé, dès la semaine dernière, de réquisitionner les raffineries en grève, sans recevoir de réponse positive.
L'exécutif redoute toutefois l'hypothèse que des employés contournent la peine prévue en se déclarant en arrêt maladie. Cela deviendrait une démonstration d’impuissance de la part du gouvernement, qui peut alors abattre une dernière carte : le recours aux forces de l’ordre sur décision de la Première ministre, au titre "de la satisfaction des besoins vitaux de la population".