Cardinal Barbarin : les questions soulevées par une démission inédite
Condamné par la justice jeudi, le cardinal sera le premier évêque français reconnu coupable de non-dénonciation d'actes pédophiles à présenter sa démission au Pape.
"J'ai décidé d'aller voir le Saint-Père pour lui remettre ma démission. Il me recevra dans quelques jours." Condamné à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d'abus sexuels, le cardinal Barbarin a fait une annonce aux allures de coup de tonnerre pour l'Eglise catholique , jeudi. Celle-ci a été saluée par les associations de victimes, au premier rang desquelles La Parole Libérée. "Les faits qui lui sont reprochés sont complètement incompatibles avec la fonction qu'il occupe", a commenté son cofondateur François Devaux , l'un des plaignants du scandale lyonnais. Europe 1 décrypte les enjeux de la procédure à venir, qui s'annonce inédite.
Un cas sans précédent. En France, deux évêques ont déjà été condamnés à des peines de prison avec sursis pour non-dénonciation d'abus sexuels : Pierre Pican en 2001 et André Fort en 2018. Comme le rappelle La Croix , le premier est resté en poste à Bayeux-Lisieux jusqu'à atteindre l'âge de la retraite des évêques - 75 ans - en 2010. Le second avait déjà quitté ses fonctions au moment de son procès : il était âgé de 82 ans. Archevêque de Lyon depuis 2002, cardinal depuis 2003, primat des Gaules, le cardinal Barbarin n'atteindra l'âge de la retraite que dans sept ans : il serait donc le premier à quitter ses fonctions de manière anticipée pour avoir couvert des prêtres pédophiles en France.
Des exemples de démissions d'évêques accusés de s'être livrés eux-mêmes à des attouchements existent en revanche dans l'Hexagone comme à l'étranger. En 2017, l'évêque de Dax Hervé Gaschignard a ainsi renoncé à ses fonctions après des accusations de gestes déplacés, avant qu'une enquête de la justice ne soit classée sans suite. En septembre dernier, le pape François a également accepté la démission d'un évêque américain accusé de harcèlement sexuel, ainsi que celles de deux évêques chiliens .
Une décision finale du Pape. Concrètement, comment les choses vont-elles alors se passer pour le cardinal Barbarin ? La démission d'un évêque est prévue par le droit canonique , qui évoque l'hypothèse d'une "raison de santé" ou de "toute autre cause grave". Comme le souligne La Vie , le Vatican n'est pas tenu de justifier les démissions au-delà de ces formulations génériques.
Ultimement, la décision d'accepter ou non que le plus haut dignitaire catholique français démissionne appartient au Pape. En 2016, aux débuts de l'affaire , le prélat avait déjà proposé sa démission mais celle-ci avait été refusée. "D'après les éléments dont je dispose, je crois qu'à Lyon, le cardinal Barbarin a pris les mesures qui s'imposaient, qu'il a bien pris les choses en main", avait alors commenté le souverain pontife dans La Croix. "Nous devons maintenant attendre la suite de la procédure devant la justice civile (par opposition à la justice canonique, ndlr)." La décision rendue jeudi pourrait changer la donne.
Que deviendrait le cardinal Barbarin ?
Toujours d'après le Code de droit canonique , "l'évêque dont la renonciation à l'office a été acceptée garde le titre d'évêque émérite de son diocèse et, s'il le désire, conserve sa résidence dans le diocèse", sauf "circonstances particulières". "La conférence des évêques droit veiller à assurer un entretien convenable et digne à l'évêque démissionnaire (...)", ajoute le texte.