Depuis vendredi, Tariq Ramadan dort en prison. Mis en examen pour viols, le théologien suisse, aussi influent que contesté, y reste pour l'instant : à l'issue d'un débat avec sa défense, le juge des libertés et de la détention (JLD) a décidé de le placer en détention provisoire, conformément aux réquisitions du parquet. En attendant, Europe1.fr fait le point sur les charges qui pèsent sur l'islamologue.
Le témoignage de deux femmes. L'affaire Ramadan éclate le 20 octobre dernier, lorsqu'une femme, Henda Ayari, dépose plainte pour viol et agressions sexuelles. Ancienne salafiste devenue militante féministe et laïque, la quadragénaire raconte le même jour sur sa page Facebook avoir été "victime de quelque chose de très grave" en 2012. Selon elle, les faits se sont déroulés sous la contrainte, dans une chambre d'hôtel de la capitale, après une conférence de l'intellectuel. En retour, Tariq Ramadan porte plainte pour "dénonciation calomnieuse". Mais le parquet de Paris ouvre une enquête.
Quelques jours plus tard, une seconde plainte décrivant des faits similaires est déposée, et jointe à la première. La nouvelle victime rapporte des "scènes de violence sexuelle d'une grande brutalité", qui se seraient déroulées dans un hôtel de Lyon, en octobre 2009. "Coups sur le visage et sur le corps, sodomie forcée, viol avec un objet et humiliations diverses", rapporte le magazine Vanity Fair, qui l'a interrogée. Des certificats médicaux sont fournis. "Je suis depuis plusieurs jours la cible d'une campagne de calomnie qui fédère assez limpidement mes ennemis de toujours", réagit le théologien dans un communiqué.
Cette deuxième plaignante, handicapée à une jambe et qui marche avec une béquille, a été confrontée à l'islamologue au cours de sa garde à vue, la semaine dernière. L'homme a reconnu avoir flirté avec elle par le biais des réseaux sociaux, mais dit ne l'avoir rencontrée que brièvement dans le hall de l'hôtel. Un élément pèse cependant contre lui : sa cicatrice au niveau de l'aine, décrite par la victime présumée, indécelable sans un contact rapproché. Pour ces faits, le parquet a retenu le chef de viol sur personne vulnérable. Reste que selon Le Parisien,les avocats du prédicateur ont présenté un alibi aux enquêteurs : une réservation de billet d'avion correspondant à la date du viol présumé. Ce dernier n'aurait pas encore été vérifié.
D'autres accusations sans plainte. "Ces deux témoignages en présagent d'autres", analyse Pascal Ceaux, directeur adjoint du JDD, qui a consulté le dossier d'enquête. Deux femmes ont déjà accepté de parler aux enquêteurs sous X, sans déposer de plainte. Mais leur récit pourrait conforter la crédibilité de celui des plaignantes, qui décrivent l'emprise psychologique qu'exerçait le théologien sur elles.
Des éléments qu'on retrouve dans les témoignages de quatre femmes suisses, interrogées anonymement par La Tribune de Genève début novembre. Dans les années 1980 et 1990, alors qu'elles étaient âgées de 14 à 18 ans, toutes quatre affirment avoir été harcelées par Tariq Ramadan, un homme "tordu, intimidant, qui usait de stratagèmes relationnels pervers". Trois d'entre elles auraient eu des relations sexuelles avec leur professeur, dont une à l'âge de 15 ans. Les faits décrits sont désormais prescrits.
En trois mois d'enquête, les policiers ont aussi recueilli de nombreux échanges à caractère érotique, témoignant d'un libertinage en contradiction avec le discours religieux affiché par l'intellectuel. Signe de la complexité de l'affaire ou de l'ampleur des investigations envisagées, trois juges d'instruction ont été désignés dans le dossier français. Une progression qui pourrait décider des femmes à déposer plainte à leur tour.