Deux jours après le changement de stratégie de Nordahl Lelandais, l'enquête avance vite. "La quasi-totalité du squelette, ainsi que les vêtements et une chaussure" de Maëlys, neuf ans, portée disparue depuis la fin du mois d'août, ont été retrouvés jeudi dans le secteur escarpé des gorges de Chailles, à quelques kilomètres de Pont-de-Beauvoisin. Guidés par le meurtrier présumé de la fillette, qui reconnaît désormais son implication dans le dossier, les gendarmes ont obtenu des premières réponses. Ils doivent désormais s'attacher à décrypter la personnalité de l'ancien maître-chien, qui a donné peu de détails sur les faits. Et interroger son éventuel rôle dans d'autres affaires.
- Quelles sont les circonstances précises du meurtre de Maëlys ?
Mercredi, Nordahl Lelandais a avoué avoir tué "involontairement" la fillette, présente comme lui à une fête de mariage, sans donner plus de précisions. "Il a indiqué qu'il souhaitait d'abord que le corps de Maëlys soit retrouvé et qu'il s'exprimerait ultérieurement", à l'occasion d'une prochaine audition, a précisé le procureur de Grenoble, Jean-Yves Coquillat. Lors des premiers jours d'enquête, les chiens de la brigade cynophile avaient perdu la trace de l'enfant aux abords de la salle des fêtes. Une caméra de surveillance a par ailleurs filmé la voiture du suspect dans le centre-ville de Pont-de-Beauvoisin, avec, sur le siège passager, une silhouette blanche et frêle évoquant celle de la jeune fille. Ces éléments suggèrent que le suspect l'a emmenée à bord de son véhicule, de gré ou de force.
Que s'est-il passé ensuite ? Comment Maëlys a-t-elle été tuée ? Les faits se sont-ils déroulés dans la voiture du suspect ou à proximité du domicile de ses parents, où il a déposé le corps avant de le transporter dans les gorges de Chailles ? La thèse de l'accident peut-elle tenir ? Autant de questions auxquelles les enquêteurs tenteront de répondre par des éléments scientifiques, en parallèle des futures auditions de l'ex-maître-chien. Le crâne et l'os découverts dès mercredi doivent rapidement être autopsiés et devraient livrer des premières pistes. L'itinéraire emprunté par le suspect, qui avait mis son téléphone en mode "avion" au moment de déplacer le corps, devra également être retracé par les gendarmes, en quête d'indices.
- L'affaire Noyer va-t-elle également rebondir ?
"Je n'oublie pas qu'il y a un autre dossier", a déclaré l'avocat de Nordahl Lelandais, Me Jakubowicz, dès mercredi soir. Alors qu'il niait encore fermement être impliqué dans l'affaire Maëlys, son client a en effet été mis en examen le 20 décembre pour l'assassinat d'Arthur Noyer, un jeune militaire disparu en avril 2017 à Chambéry. Les expertises téléphoniques ont révélé que les deux hommes ont effectué exactement les mêmes déplacements le jour où le caporal a été vu pour la dernière fois. Des débris de son crâne ont été découverts en septembre à Montmélian, en Savoie.
Lors de sa première audition dans ce dossier, Nordahl Lelandais était resté "comme un bloc de béton pris dans la glace", selon les termes d'un enquêteur cité par Le Parisien. Sa coopération dans l'affaire Maëlys change-t-elle la donne ? Me Bernard Boulloud, l'avocat de la famille Noyer, souhaite désormais que le mis en examen ira "jusqu'au bout de sa logique d'aveux". "Il a eu la même logique de défense dans les deux affaires", poursuit le conseil. "On espère que maintenant qu'il a changé de défense, il utilise cette même logique d'aveux dans le dossier d'Arthur."
- Le suspect est-il relié à d'autres meurtres ?
Si Me Jakubowicz s'offusque que l'étiquette de "serial killer" soit désormais attachée à son client "sans l'ombre du commencement d'une preuve", les enquêteurs travaillent, eux, sur plusieurs autres pistes. Le parquet de Grenoble a rouvert récemment quatre affaires de disparition survenues en Isère entre 2010 et 2016. Une cellule de coordination, baptisée Ariane, a également été créée il y a moins d'un mois au pôle judiciaire de la gendarmerie nationale à Pontoise, afin de détecter d'éventuels recoupements entre Nordahl Lelandais et d'autres affaires non élucidées, comme la disparition de Lucas Tronche, 15 ans.
Les gendarmes du Service central de renseignement criminel (SCRC) examinent à la loupe le parcours de vie du suspect, en interrogeant toutes les bases de données judiciaires mais aussi les prestataires privés, comme les opérateurs téléphoniques, les transporteurs ou les assurances. Ce travail vise à fixer l'homme dans le temps et dans l'espace, pour permettre d'éventuels rapprochements. La cellule Ariane doit notamment alimenter le logiciel d'analyse criminelle Anacrim, à l'origine de la spectaculaire relance de l'affaire Grégory, au printemps dernier.