Comment vivent les personnes qui ont souffert d'un cancer cinq ans après le diagnostic de la maladie ? C'est ce qu'a tenté de savoir l'Institut national du cancer (INCa) en menant une vaste enquête auprès des patients en 2015. Après avoir interrogé plus de 4.000 personnes, âgées de 18 à 82 ans, l'INCa en a conclu que renouer avec une vie normale était très compliqué. Et publié ses conclusions mercredi.
Une épreuve tant physique que psychologique. Certes, les progrès de la médecine ont grandement amélioré les chances de survie et de guérison. Et aujourd'hui, ce sont plus de trois millions de personnes qui vivent avec un cancer ou en ont guéri en France. Mais "le cancer reste cependant une épreuve difficile, tant au plan physique que psychologique, avec des répercussions sur la vie personnelle, sociale et professionnelle", souligne l'INCa. Près de deux tiers des sondés (63,5%) déclarent ainsi souffrir de "séquelles, troubles et dysfonctionnements". Et près de 45% d'entre eux estiment avoir "une qualité de vie dégradée" par rapport à l'avant-cancer.
Des patients fatigués… Parmi les séquelles évoquées, des douleurs, de la fatigue, des troubles moteurs ou de la vision, mais aussi des difficultés sexuelles et une modification de l'image de son propre corps. Une fatigue "cliniquement significative" est ainsi ressentie par près de la moitié (48,7%) des personnes interrogées. Les femmes en souffrent plus souvent que les hommes (56,5% contre 35,7%). "Les personnes les plus vulnérables par rapport à la fatigue sont les plus jeunes, et celles en situation de précarité financière", écrivent les auteurs de l'étude. "Ce dernier point souligne le poids toujours aussi important des inégalités sociales dans le vécu de l'après-cancer."
…et qui éprouvent des douleurs. Une différence entre les hommes et les femmes est également observée concernant les douleurs. Si 73% des sondés déclarent en ressentir, les femmes sont, encore une fois, plus souvent touchées que les hommes. "Et neuf fois sur dix, ces douleurs sont chroniques", c'est-à-dire qu'elles durent trois mois ou plus, précise l'étude. Si la raison exacte pour laquelle les femmes souffrent plus que les hommes n'est pas donnée par l'INCa, certains cancers exclusivement féminins, ceux du sein ou du col de l'utérus, semblent générer plus de souffrances.
" L'impact du cancer sur la vie professionnelle peut survenir à moyen terme. "
Le couple tient, en dépit de troubles sexuels. Le cancer a également des effets sur la vie de couple des patients. Si plus de la moitié de ceux qui sont en "couple stable" (52,8%) déclarent que leur vie à deux n'a pas changé, 35,5% jugent même qu'elle est sortie renforcée de l'épreuve de la maladie. Seuls 10,7% affirme une vie de couple dégradée. En revanche, les participants à l'enquête pointent des troubles sexuels. Près de 57%, principalement chez les plus de 40 ans, font état d'une baisse de leur libido. La fréquence des rapports sexuels ainsi que la capacité à avoir un orgasme est également impactée pour plus de la moitié des participants.
Un impact à moyen terme sur la vie professionnelle. Enfin, l'INCa s'est penché sur les conséquences de la maladie sur la situation professionnelle des patients. Le taux d'emploi des personnes interrogées est de 75,9%. Soit plus de dix points de moins par rapport à la même étude réalisée en 2012 (et publiée en 2014) sur les mêmes patients deux ans après le diagnostic de leur cancer. Autrement dit, résume l'étude, il y a une "accélération" du phénomène de sortie d'emploi après un cancer. "L'impact du cancer sur la vie professionnelle peut survenir à moyen terme." Cela s'explique en partie car un arrêt-maladie peut durer jusqu'à trois ans. Et qu'au bout de ces trois ans survient un moment crucial où certains patients se remettent à travailler, tandis que d'autres ne le peuvent définitivement plus. Les statistiques diffèrent énormément selon le type de maladie : les personnes ayant été diagnostiquées avec un cancer du poumon, colorectal ou des voies aérodigestives supérieures, par exemple, sont moins souvent en emploi cinq ans après que celles avec un mélanome ou un cancer du sein.
Dans ses conclusions, l'INCa souligne un paradoxe majeur : si la majorité des patients évoquent des troubles et des dysfonctionnements divers, "trois fois sur quatre, ces séquelles ne font pas l'objet d'un suivi médical".