Ultra viral sur Internet, Hold-Up décline en 2h40 sa thèse selon laquelle une vaste "manipulation" des gouvernants est à l'œuvre autour du Covid-19. Imitant les codes de l'investigation journalistique, ce documentaire partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux aligne pourtant infox et allégations sans preuves. Virus fabriqué en laboratoire, gravité du Covid exagérée, masques inutiles, efficacité prouvée de l'hydroxychloroquine… Cette production recycle de nombreuses fausses informations circulant depuis plusieurs mois et déjà vérifiées par de nombreux experts et médias.
Plus d'une trentaine de personnes sont interrogées, comme l'infectiologue controversé Christian Perronne, plusieurs chauffeur de taxis et l'ancien ministre Philippe Douste-Blazy, qui s'est depuis désolidarisé du film. Hold-Up affirme dénoncer des mensonges et exagérations du gouvernement autour du Covid-19, jusqu'à l'explication finale d'un complot mondial destiné à contrôler et asservir les populations.
Une conspiration mondiale pour une "grande réinitialisation" : pas de preuves à l'appui
D’après la vidéo, la pandémie a été créée de toutes pièces par les élites du monde politique et économique afin d’organiser un "great reset", ou "grande réinitialisation" de la société. La vidéo affirme, sans preuve à l’appui, que ce complot aurait pour objectif d’éliminer une partie de la société (les plus pauvres) et d’asseoir le contrôle de ces élites, notamment via le déploiement de la 5G.
Ancien pharmacien, Jean-Bernard Fourtillan assure dans Hold-Up qu'un brevet avait déjà été déposé sur "les tests pour détecter la maladie Covid-19, le 13 octobre 2015", une affirmation déjà infirmée par l'AFP. Comme indiqué sur le site de l'Office européen des brevets, ce brevet a été actualisé en 2020 par son inventeur pour adapter la technologie initialement brevetée (des techniques d'analyse de données biométriques) à la détection du nouveau coronavirus.
Jean-Bernard Fourtillan affirme ensuite que le virus "a été fabriqué par l'Institut Pasteur", une fausse information vérifiée par l'AFP à plusieurs reprises et démentie par l'Institut. Cette infox repose sur un brevet déposé par l'Institut en 2004, or celui-ci porte sur le code génétique d'un virus cousin mais différent du SARS-CoV-2. Début novembre, la justice a condamné un internaute ayant diffusé une fausse information similaire pour "diffamation".
Les masques sont inutiles : faux
Des intervenants s'appuient notamment sur des propos du gouvernement qui, dans un premier temps, avait estimé qu'il n'était pas nécessaire pour le grand public d'en porter, avant de changer de doctrine. Selon Astrid Stuckelberger, présentée comme une docteure en médecine, "l'OMS ne dit pas que tout le monde doit mettre un masque". C'est faux. L'Organisation mondiale de la Santé préconise bien le port du masque pour le grand public dans une note diffusée en juin.
La dermatologue Claude Veres affirme que les masques chirurgicaux ne "sont pas très protecteurs" et que les masques en coton deviennent des "nids à microbes en quelques heures", deux théories déjà contredites par des experts. Les masques chirurgicaux permettent de limiter la diffusion du virus, surtout en protégeant les autres de nos propres postillons, selon plusieurs experts interrogés depuis mars. De nombreux autres spécialistes ont assuré que les masques dits "grand public" n'étaient pas dangereux pour la santé, quand ils étaient portés correctement.
Des patients mal traités, d’autres "achevés" : faux
De nombreux intervenants affirment que l'hydroxychloroquine est un traitement contre le Covid, affirmant que ce médicament promus par Didier Raoult a prouvé son efficacité. C'est faux. Depuis le début de l'épidémie, le professeur Raoult a bien rendu publiques plusieurs études mais elles ont été largement critiquées en raison de leurs problèmes méthodologiques importants.
Depuis, d'autres études, comme le vaste essai britannique Recovery, la française Hycovid, ou Solidarity, menée dans le monde par l'OMS, sont parvenues à la conclusion que l'hydroxychloroquine n'est pas efficace contre le Covid-19. En diffusant un graphique des résultats préliminaires de l'essai français Discovery, le narrateur de "Hold-up" affirme que ce test a été annulé "pour faire barrage à l'hydroxychloroquine, qui affichait les meilleurs résultats intermédiaires".
Cette intox avait déjà été vérifiée par l'AFP. Les premiers résultats ne montraient en réalité "aucun effet" du traitement à l'hydroxychloroquine sur la maladie, selon l'épidémiologiste Dominique Costagliola, membre du comité de décision de Discovery.
Un peu plus tard, le pharmacien Serge Rader affirme que les patients âgés atteints du Covid-19 reçoivent une "seringue de Rivotril pour les achever complètement alors qu'ils étaient en détresse respiratoire". Cette interprétation est fausse. Le Rivotril n'est pas utilisé pour "achever" les malades ou les "euthanasier", comme l'évoquaient déjà des intox démenties par l'AFP en avril.
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Les autopsies sont interdites par l'OMS : faux
Hold-Up affirme que les autopsies de patients morts du Covid-19 sont interdites par l’Organisation mondiale de la santé. Une infox qui circule depuis plusieurs mois un peu partout dans le monde. Il suffit toutefois de lire ce document publié par l’OMS pour savoir qu’il n’en est rien. "S’il est pris la décision d’autopsier un corps présumé ou confirmé infecté par le virus de la Covid-19, les établissements de santé doivent vérifier que les mesures de sécurité sont en place pour protéger les personnes qui pratiqueront l’autopsie", y lit-on.
L’OMS recommande notamment d’effectuer les autopsies dans des salles "convenablement ventilées" avec un nombre de médecins réduit "au strict minimum" car "les poumons et les autres organes peuvent encore contenir du virus vivant".
La Suède épargnée sans confinement : faux
Les auteurs de cette production audiovisuelle comparent les pics de décès journaliers entre la France et la Suède, qui a mené une stratégie moins stricte que la plupart des pays européens face au coronavirus. Preuve selon les auteurs de l'inefficacité du confinement, la Suède comptait 115 morts par jour au plus fort de la crise mi-avril contre 1.483 en France.
Mais lorsque l'on rapporte ces chiffres à la population des deux pays, on s'aperçoit que les taux de mortalité sont assez proches et ce malgré une densité de population moindre en Suède, selon les données récoltées par l'AFP. Le Portugal, qui possède une population comparable à celle de la Suède et qui a mis en place un confinement strict au printemps, a un taux de mortalité deux fois inférieur à celui de la Suède.