Elles devaient commencer "dès la fin de l'année". Finalement, les premières expérimentations de la "police de sécurité du quotidien" auront lieu au début de l'année 2018, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, mardi. Le retour acté, sous un autre nom, de la police de proximité inventée par la gauche et torpillée par Nicolas Sarkozy en 2003.
- Quand a-t-elle été créée ?
En 1997, lors du colloque socialiste de Villepinte, la gauche entérine sa volonté d'opérer une "conversion" sécuritaire, en rapprochant la police du citoyen. Le gouvernement Jospin s'empare alors du concept de "police de proximité", expression créée par... Charles Pasqua, en 1995. Ladite police est effectivement introduite par Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, épaulé de son conseiller Jean-Pierre Havrin, ancien directeur départemental de la sécurité publique de Haute-Garonne, en 1998. Expérimentée dans plusieurs villes puis généralisée progressivement, elle couvre la totalité du territoire en 2002 et implique le recrutement de 4.150 adjoints de sécurité supplémentaires, selon Le Figaro.
- Quelles étaient ses missions ?
L'idée était, selon les termes de Lionel Jospin, de donner "la priorité à la sécurité quotidienne des Français". Autrement dit, de rapprocher la police d'une forme de service public, pour privilégier la prévention et diminuer les besoins de répression. Concrètement, la "polprox", telle qu'elle a été surnommée, devait être plus présente sur le terrain via des patrouilles connaissant bien la vie de leurs quartiers et assurant une médiation, et donc une dissuasion, au quotidien. "Les gens n'aiment pas les flics mais ils aiment bien leur flic. C'est un cercle vertueux : les flics se rapprochent des gens, les gens se rapprochent des flics", résumait récemment Jean-Pierre Havrin, interrogé par La Dépêche.
- Pourquoi l'a-t-on supprimée ?
Largement critiqué par la droite pendant cinq ans, le dispositif a été définitivement abandonné en 2003, à l'initiative de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur. Lors d'un discours devant des policiers à Toulouse, ce dernier justifiait sa décision en estimant que le rôle des gardiens de la paix devait être recentré : "vous n'êtes pas des travailleurs sociaux. Organiser un match de rugby pour les jeunes du quartier, c'est bien, mais ce n'est pas la mission première de la police." Le gouvernement s'appuyait en outre sur les résultats statistiques mitigés de la mesure en termes de baisse de la délinquance. Les défenseurs de la "polprox" arguaient, eux, que sa durée de vie n'a pas été assez longue pour que l'on puisse juger de son efficacité.
- En quoi va consister cette nouvelle expérimentation ?
La promesse du président de la République s'inscrit dans un contexte de tension des relations entre police et population, notamment après l'"affaire Théo", du nom du jeune homme victime d'un viol présumé lors de son interpellation. Selon un rapport publié par le think tank "Terra Nova" en novembre dernier, 34% des jeunes ne font pas confiance à la police nationale, et 40% la jugent "raciste". La "police de sécurité du quotidien" s'inscrit en cela dans la même démarche que la police de proximité de Lionel Jospin décrite comme "une bonne idée" par Emmanuel Macron pendant la campagne.
"Il s'agit de répondre de manière plus efficace à l'ensemble des préoccupations de nos concitoyens par tous les moyens (contact, intervention, police judiciaire, etc)", a précisé Gérard Collomb dans un communiqué, mardi. Le budget et les effectifs alloués à cette nouvelle police n'ont pas encore été précisés mais plusieurs villes, comme Bezons, en banlieue parisienne, ou Roubaix, près de Lille, se sont déjà portées candidates pour accueillir cette expérimentation.
- Suscite-t-elle le consensus ?
Non. Plus de dix ans après sa suppression, la "polprox", idéologiquement opposée à une police "d'intervention", se trouve toujours au centre d'un clivage gauche-droite. Pour le député LR Eric Ciotti, il s'agit par exemple d'une "vieille lubie de la gauche", qui n'avait, lors de sa première application, "pas fait baisser le sentiment d'insécurité des Français".
Pendant la campagne, plusieurs candidats de gauche, comme Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, s'étaient au contraire prononcés pour un rétablissement du dispositif, y voyant un facteur d'apaisement entre jeunes et police dans les quartiers difficiles. Selon Jean-Pierre Havrin, interrogé par La Dépêche, il pourrait même être utile dans la lutte contre le terrorisme : "Les parents qui voient que leur gamin est en train de déraper ne vont pas appeler un numéro vert, mais peut-être en parler au policier du quartier."