Tempêtes, sécheresses, inondations… Le climat n'a laissé que peu de répit à la planète en 2018. La France, frappée par la canicule l'été dernier, puis par de violentes crues dans l'Aude, en octobre, n'a évidemment pas été épargnée. Et la tendance ne devrait pas s'inverser en 2019, malgré la multiplication des alertes.
Il fera chaud, très chaud…
Le premier marqueur du réchauffement climatique, c'est d'abord la hausse des températures moyennes annuelles. De ce point-de-vue, le constat est terrible : l'année qui vient de se clôturer a tout simplement été la plus chaude jamais enregistrée en France, avec une moyenne proche de 14°C, soit 1,4°C de plus que la moyenne de référence 1981-2010. Plus largement, c’est tout le continent européen qui a connu une année record.
Au niveau mondial, ce n'est pas beaucoup mieux. S'il a fait globalement plus froid qu'en 2015, 2016 et 2017, le niveau du mercure a dépassé celui de 2014. Les cinq dernières années sont donc les cinq plus chaudes que les relevés météorologiques aient connues.
Dans ce contexte, peut-on craindre une nouvelle hausse en 2019 ? La réponse est clairement oui. Le Met Office, l’office météorologique britannique, l'a déjà projeté. Dans une étude publiée en août, des chercheurs du CNRS annonçaient pour leur part des étés encore plus chauds, ces prochaines années. Leurs travaux, publiés dans Nature Communications prévoient notamment d'avoir en 2019, "trois fois le réchauffement climatique en une année", et ce jusqu'en 2022.
Les conséquences à prévoir
Partant de ce constat, l'Homme peut s'attendre à vivre une nouvelle année mouvementée. "On a beaucoup d'arguments pour penser que le type d'année un peu différente qu'on a vécu climatiquement va se répéter de plus en plus fréquemment. On n'attendra pas dix ou vingt ans", détaille auprès d'Europe 1 Hervé Le Treut, spécialiste de la simulation numérique du climat".
Comme cela a été le cas en juillet-août, l'Europe peut donc de nouveau s'attendre à suffoquer sous la canicule, les canadairs tourner à plein régime pour éteindre des feux de forêt comme la Grèce, le Portugal, l'Espagne ou la Californie en ont récemment connus. Si d'autres facteurs peuvent favoriser ces phénomènes, "clairement, chaque cas est lié à des vagues de chaleur", renseigne le climatologue Jean Jouzel.
Et les prix à payer devraient être de plus en plus graves. La récolte de pommes de terre est déjà au plus bas historique, les abattages de troupeaux se multiplient en raison du manque de fourrage... Selon le service météorologique allemand (DWD), la sécheresse de l'été dernier a d'ailleurs été la plus longue depuis 140 ans outre-rhin.
Un contexte politique défavorable
L'année a aussi été marquée par le rapport spécial du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. En octobre, ces scientifiques exposaient aux yeux du monde entier les bénéfices qu'apporterait une limitation du réchauffement à 1,5°C plutôt qu'à +2°C, objectif minimal de l'accord de Paris, conclu en 2015. Et de pointer pour cela la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45% en 2030 par rapport à 2010. Mais le mal est profond : les engagements actuels des États annoncent un monde à +3°C, les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère sont à un niveau record et les émissions continuent à augmenter.
En plein milieu de la COP24, qui se déroulait au mois de décembre, à Katowice, en Pologne, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avait averti : "Rater cette opportunité compromettrait notre dernière chance de stopper le changement climatique, hors de contrôle. Ce ne serait pas seulement immoral, ce serait suicidaire".
À son grand dam, les quelque 200 délégués réunis n'ont pas su dépasser leurs différends, adoptant les règles d'application de l'accord de Paris, sans s'engager à faire plus et plus vite. "Les actions ne sont pas au niveau des préoccupations", s'inquiète le climatologue Hervé Le Treut.
Si Antonio Guterres a déjà convié les dirigeants du monde, de la finance, du milieu des affaires et de la société civile à se rendre à la COP25, du 11 au 22 novembre 2019 au Chili - le Brésil ayant renoncé à l'accueillir - "avec des annonces fortes, et à y faire part d’actes courageux qui contribueront à réduire les émissions de CO2", le contexte géopolitique y est peu propice.
En Pologne, des pays comme la Russie, le Koweit ou l'Arabie saoudite ont joint leur voix à celle des États-Unis pour "refuser de regarder la réalité en face, sans compter les menaces du groupe des pays en développement présidés par l'Égypte", a récemment déploré le ministre de la Transition écologique, François de Rugy.
Quant au Brésil, qui détient 60 % de l’Amazonie, considérée comme le "poumon de la planète", et qui s'était engagé à réduire de 37 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025, le pays a depuis élu à sa tête un président ouvertement climatosceptique. "On est dans une position de faiblesse", se désole Jean Jouzel auprès d'Europe 1. "La situation était beaucoup plus positive en 2015, juste après l'accord de Paris. L'élection de Donald Trump, puis celle de Jair Bolsonaro ont joué des mauvais tours. Et je ne vois pas très bien comment la Russie peut ratifier l'accord si les États-Unis en sortent… Cela montre la difficulté que l'on a devant nous."
Ce que peut faire la France
Malgré ce contexte, et malgré de la démission de Nicolas Hulot fin août 2018, la France reste déterminée à poursuivre ses efforts contre le réchauffement climatique, martèle le gouvernement, en dépit des reculs annoncés face à la mobilisation des "gilets jaunes".
Toutefois, "l'enjeu pour la France n'est pas de réviser ses engagements nationaux, c'est de les mettre en œuvre", a rappelé mi-décembre l'actuel ministre de la Transition écologique, François de Rugy, dans un entretien à l'AFP. "Pour l'instant nos émissions de CO2 ont tendance à augmenter et pour les trois années qui viennent on craint que ce soit toujours la même tendance. Les principales sources sont le transport et le logement et dans ces domaines-là, c'est difficile de changer rapidement", a-t-il argué, avant de présenter, quelques jours plus tard, le deuxième plan national d'adaptation au changement climatique.
Pour faire face au dérèglement présent et futur, le pays se dotera notamment de six canadairs, la vigilance météo sera renforcée de cinq nouveaux radars à horizon 2021, les territoires à risque seront identifiés, des normes dans les bâtiments et les infrastructures pourraient être revues et le changement climatique devrait être intégré dans les programmes scolaires. Ce plan bénéficiera d'un budget de 3,5 milliards d'euros sur cinq ans.
Pour Jean Jouzel, aujourd'hui associé à l'économiste Pierre Larrouturou pour proposer un Pacte finance-climat, "on ne réussira pas une telle transition sans des investissements supplémentaires massifs. En France, pour réussir à respecter les objectifs de la loi, il faudrait environ 45 milliards d'euros supplémentaires chaque année".
En 2019, la France pourrait d'ailleurs être sommée de respecter ses objectifs de court-terme. Plusieurs ONG, soutenues par des centaines de milliers de personnes, menacent en effet d'attaquer l'État en justice pour inaction climatique, une première à l'échelle hexagonale. Le recours pourrait intervenir au mois de mars. En attendant, le gouvernement a deux mois pour répondre.