L'année 2018 devrait figurer au quatrième rang des plus chaudes jamais enregistrées, a alerté jeudi l'Organisation météorologique mondiale (OMM), membre de l'ONU. Et l'ambition de limiter le réchauffement climatique à 2°C d'ici 2100, formalisée par les Etats du monde lors de l'accord de Paris sur le climat en 2015, s'éloigne d'année en année. Mais les mises en garde successives des scientifiques suffiront-elles à faire bouger les lignes ? Des représentants de quelque 200 pays vont tenter, à partir de dimanche et durant deux semaines, lors de la COP 24 en Pologne, de donner du souffle à la politique environnementale mondiale. Et pour l'heure, les signaux n'incitent pas à l'optimisme.
"Nous avons seulement une décennie". Désastres météo, incidence sur la santé ou les rendements agricoles... "La science montre clairement que nous avons seulement une décennie pour juguler les émissions de gaz à effet de serre", souligne Johan Rockströem, expert climat au Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK). Selon le rapport du Giec, le groupe d'experts mondial sur le climat, les engagements politiques actuels mèneraient à une hausse d'au moins 3°C d'ici 2100. Alors que la planète a déjà gagné 1°C, il faudrait, pour rester sous 1,5°C d'ici 2030 et ainsi tenir l'objectif, que les émissions de CO2 soient réduites de près de 50% par rapport à 2010.
Pendant ces deux semaines de COP24, les Etats devront accepter de revoir à la hausse leurs objectifs pour transformer leur système de transports, leurs agriculture, pour aussi construire des bâtiments moins gourmands en énergie. Ils devront aussi définir des règles de transparence, c'est à dire la façon dont ils devront rendre compte de leurs actions. "Les COP, s'il n'y a pas d'engagements forts, ne servent à rien. On en est à la 24e et on voit bien le peu d'avancées, quasiment rien ne s'est passé", déplore Jean-François Julliard, de Greenpeace, au micro d'Europe 1. Selon lui, les efforts des différents Etats doivent tripler si l'on veut éviter la catastrophe.
" Pour l'Afrique, quelles que soient les péripéties de la géopolitique, nous n'avons pas le choix "
Le Brésil et les Etats-Unis freinent des quatre fers. Il faudra aussi convaincre plusieurs pays - dont la Pologne, le pays hôte - de sortir progressivement du charbon, l'énergie la plus polluante. En leur expliquant qu'en prenant des décisions dès maintenant, la transition pourra se faire en douceur sans mettre sur le carreau des milliers de salariés qui travaillent dans le secteur du charbon. Les membres du G20, à l'exception des États-Unis, ont certes réaffirmé samedi leur soutien à l'accord de Paris. Malgré tout, "on ne peut pas dire que les vents soient très porteurs", estime Michel Colombier, directeur scientifique de l'IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), en référence au contexte géopolitique. Ainsi, Donald Trump a répété au G20 son rejet de l'accord de Paris et le futur président brésilien Jair Bolsonaro, a évoqué une sortie de son pays également du pacte climatique.
"Les étoiles ne sont plus alignées, manifestement", déplore Seyni Nafo, porte-parole du groupe Afrique à la COP. Qui rappelle : "pour l'Afrique, quelles que soient les péripéties de la géopolitique, nous n'avons pas le choix. Nous ressentons les impacts du changement climatique tous les jours".
Le vrai rendez-vous attendu pour 2019 ? Le sommet de lundi à Katowice, ville hôte de la COP, où seuls une vingtaine de dirigeants sont confirmés, dont les Premiers ministres néerlandais et espagnol ou les présidents du Nigeria et du Botswana, pourrait donner un signe des intentions du reste du monde. Mais les observateurs craignent que la plupart des États, encouragés à réviser leurs engagements pour 2020, attendent un autre sommet convoqué par le secrétaire général de l'ONU en septembre 2019 à New York pour afficher leurs objectifs.