Qui est responsable de la collision mortelle entre un car scolaire et un train, survenue jeudi à Millas, dans les Pyrénées-Orientales ? Est-ce la SNCF, dont les dispositifs d'alerte auraient mal fonctionné, ou la conductrice du bus, qui aurait forcé le passage ? Quatre jours après le drame, la réponse à ces questions reste floue. Les investigations, loin d'être terminées, se concentrent sur les barrières qui encadraient le passage à niveau, dont les enquêteurs n'ont pas encore déterminé si elles étaient levées ou baissées au moment où le véhicule s'est engagé sur les voies.
"Pas particulièrement dangereux". Dès jeudi soir, la SNCF indiquait que "selon des témoins, le passage à niveau a fonctionné normalement", sous réserve de confirmation par l'enquête. Selon le groupe, le passage était "classique", doté d'une signalisation automatique et de deux barrières. Il "n'était pas considéré comme particulièrement dangereux". En plus de l'enquête judiciaire, l'entreprise annonçait mener ses propres investigations pour lever le doute sur d'éventuels dysfonctionnements.
Vendredi, le procureur de la république de Marseille, Xavier Tarrabeux, semblait confirmer ces premiers éléments, indiquant que les témoignages recueillis évoquaient "très majoritairement" des barrières "fermées", dans lesquelles le bus aurait donc foncé. Mais déjà, l'employeur de la conductrice du car scolaire, Christian Faur, contredisait cette version en indiquant que son employée avait "traversé en toute confiance et en toute sérénité le passage à niveau, barrières ouvertes et feu clignotant éteint." Selon les médias locaux, plusieurs témoins corroborent ce récit des faits, que la conductrice elle-même a depuis répété aux enquêteurs à deux reprises. La SNCF s'est rapidement dite "choquée par ces accusations", formulées selon elle "sans aucun élément tangible de preuve".
Des défaillances dans la région ? "Il y avait trois bus qui se suivaient, l'un est passé sans problème, le deuxième a été happé par le train et le troisième a assisté à la catastrophe", a rappelé sur BFMTV le maire de Saint-Féliu-d'Avail, d'où sont originaires plusieurs enfants. D'après L'Indépendant, les chauffeurs des deux véhicules non accidentés ont indiqué qu'ils n'avaient pas vu les barrières se baisser. Ils n'appartiennent pas à la même compagnie de transports que le car impliqué dans la collision. "On a vu le train arriver mais les barrières ne se sont pas baissées, il n'y avait pas de feux clignotants", a également raconté une collégienne à France 3.
La presse des Pyrénées-Orientales a en outre recueilli des témoignages laissant entendre que plusieurs passages à niveau de la région fonctionnaient mal. Mickaël, un livreur, a notamment raconté à L'Indépendant avoir dû assurer lui-même la sécurité des usagers pour franchir un passage de la ligne Perpignan-Villefranche-de-Conflent, quelques jours avant les faits. "Les barrières se sont baissées, mais elles se sont arrêtées à moitié. Et les feux qui clignotaient se sont arrêtés. On a eu peur. La dame devant moi est descendue de sa voiture et je lui ai dit : 'je vais me mettre sur la voie et faire le guet pour que vous passiez'."
Passages à niveau : 5 chiffres pour mieux comprendre le danger :
Analyse des éléments matériels. De retour sur les lieux du drame de Millas en milieu d'après-midi samedi, Xavier Tarrabeux s'est donc montré prudent, concédant que les témoignages étaient contradictoires. Sur le plan matériel, les enquêteurs ont recueilli "le bloc d'articulation de la barrière", qui tend à montrer que celle-ci était fermée, selon le parquet. "Nous devons bien évidemment expertiser cet élément pour déterminer si c'est un fonctionnement qui est normal ou au contraire si c'est la résultante de l'accident", a expliqué le procureur.
Les enquêteurs, qui ont modélisé la scène en 3D, cherchent désormais à établir les faits seconde par seconde. Ils connaissent la vitesse du bus et celle du train, qui allaient respectivement à 12 et 75 km/h. "Nous avons examiné le parcours exact effectué par ce car peu de temps avant l'accident (...) pour déterminer exactement comment il se positionnait", a précisé Xavier Tarrabeux. Le tachygraphe du véhicule, sorte de mouchard qui enregistre sa vitesse en permanence, a notamment été prélevé par les enquêteurs.
L'enquête, très technique, doit enfin mobiliser un drone, pour "essayer de redéfinir le champ de vision de la conductrice à sa hauteur". D'autres témoins doivent être entendus ou ré-entendus dans les prochains jours. Les investigations, qui s'annoncent complexes, doivent notamment déterminer si la première barrière a pu connaître une défaillance technique et la seconde se baisser, mais trop tard pour que la conductrice ne l’aperçoive, comme l'avance Libération.