Entre les parents et les adolescents, pourquoi est-ce aussi compliqué ?

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Mathilde Durand , modifié à
Invité jeudi de Sans rendez-vous, sur Europe 1, la psychothérapeute Isabelle Filliozat répond aux questions que l'on peut se poser sur l'adolescence. Une période d'incompréhension, parfois, entre parents et enfants qui peut se traduire par des conflits à répétition. 

Pourquoi l'adolescence représente-t-elle aussi souvent une période compliquée entre les adolescents et leurs parents ? La question est probablement aussi vieille que l'humanité. La psychothérapeute Isabelle Filliozat est l’auteure de nombreux livres sur le sujet, notamment On ne se comprend plus aux éditions JC Lattès. Et selon elle, pour apaiser les relations, il faut d'abord comprendre ce qu'il se passe dans la tête d'un enfant... à partir de 11 ans. "C’est complètement une transformation profonde, avant on pensait que le cerveau grandissait progressivement", explique-t-elle au micro de Mélanie Gomez, sur Europe 1. "On pensait que c’était une croissance linéaire de tout petit jusqu'à adulte. En réalité, pas du tout."

"Il y a une croissance neuronale phénoménal de tout petit jusqu'à 11 ans. C’est comme s’il y avait tellement de petits neurones dans tous les sens, des tonnes de réseaux, toutes sortes de chemins, que le cerveau va réorganiser tout ça, faire des travaux", explique Isabelle Filliozat. "Une gaine de myéline va se mettre autour des neurones pour faciliter la transmission d’information. Elle va aller beaucoup plus rapidement, mais pas tout de suite." En bref, durant l'adolescence une grosse partie du cerveau est "en remaniement profond". Et il existe quelques astuces pour aider les parents à aiguiller le cerveau de leurs enfants durant ces périodes. 

Muscler et entraîner le cerveau à se confronter aux tentations de l'excès

Dans cette phase de construction, les humeurs peuvent être instables. Les premières tentations apparaissent également : l'alcool, la cigarette, les substances nocives. Pour éviter les dérapages d'humeur, on peut aider l'adolescent à muscler son cerveau.

"On peut lui dire : 'Donne moi dix possibilités de réponses si on te propose un verre'. Parmi les dix, il y a aussi les négatives comme 'je bois cul-sec'. Une fois qu'il est en soirée, il revit la situation mais il a les dix possibilités qui s'ouvrent dans sa tête. Et comme il n'est pas idiot, la plupart du temps, il va prendre une option dans laquelle il se respecte", selon la psychothérapeute. Qui ajoute : "Si on lui donne un ordre, l'ado est piégé. Il se dit : 'Si je fais ce que les parents me disent, je suis leur petit enfant'. Alors que dans cette période il veut grandir, être fier de lui."

Ne pas rentrer dans un rapport de force 

L'adolescence marque également une période de socialisation très forte avec les personnes de son âge. "Il sent sa sécurité quand il est avec ses copains", explique Isabelle Filliozat. Elle rappelle néanmoins l'importance des parents dans la vie de l'adolescent. "Même s'il les met de côté, il a besoin de savoir qu'ils sont là, solides." Il est important de réfléchir avec lui sur sa socialisation, lorsqu'il veut suivre une mode par exemple vestimentaire. "C'est naturel et normal d’avoir envie d’être comme les autres. L’identité c’est une gestion entre 'qu’est-ce que je fais pour montrer que je fais partie du groupe ?' et 'qu'est-ce que je fais pour montrer qui je suis moi ?'"

La psychothérapeute conseille alors de ne pas entrer dans un rapport de force avec l'enfant, mais de rester dans un dialogue permanent, de s'intéresser sérieusement à ce qu'il ressent sans non plus céder à toutes ses demandes. "Il ne faut pas être dans une dynamique de 'je cède' sinon on va avoir une mauvaise estime de nous-mêmes en tant que parents", souligne la psychothérapeute. "Élever un enfant, l’accompagner dans son développement ce n’est pas jouer à un jeu de pouvoir avec lui."

Selon elle, il est donc important d'intégrer que les comportements brusques des enfants sont liés aux profondes transformations qui s'effectuent au sein de leur cerveau. "C'est comme si l’adolescent avait une Ferrari sans le mode d’emploi, notre job c’est de lui apprendre à conduire", explique simplement Isabelle Filliozat. 

Ne jamais oublier que les conflits sont parfois le signe d'une blessure profonde 

Les propos difficiles, les cris lors de disputes peuvent aussi être l'occasion de réparer une blessure ancienne, mais c'est aussi un appel à l'aide parfois. "Nous sommes la figure d'attachement, et donc il nous dit ce qu'il porte à l'intérieur." Mais s'il s'agit de tout faire pour comprendre ce que l'adolescent ressent au fond de lui, l'excès d'affection n'est pas toujours la solution opportune. Les marques d'affection peuvent ainsi être considérées comme des marques de domination, comme une volonté de maintenir l'adolescent à l'âge enfant. "On a pu mesurer que dans son cerveau, au moment de l’adolescence, quand il est avec son copain et qu'un de ses parents soit présent, cela déclenche le circuit de stress."