Comment les forces de l’ordre se préparent à l’évacuation de la Zad de Notre-Dame-des-Landes ?

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Pierre de Cossette, édité par A.H. , modifié à
ENQUÊTE - Si l'aéroport Notre-Dame-des-Landes se construit, l'exécutif devra mobiliser des milliers de gendarmes pour évacuer les centaines de zadistes qui se préparent depuis des mois à un affrontement violent avec les forces de l'ordre.
L'ENQUÊTE DU 8H

Le rapport des médiateurs, chargés de sortir de l'impasse le dossier de Notre-Dame-des-Landes, doit être remis mercredi au Premier ministre Edouard Philippe. En attendant de voir ce que va décider le gouvernement, l'exécutif est clair : quoi qu'il advienne, il faudra évacuer la ZAD. 

Des morts craintes des deux côtés. L'an dernier, à Matignon, les gendarmes ont prévenu l'ancien Premier ministre Manuel Valls qu'il risquait d'y avoir des morts, du côté des forces de l'ordre comme de celui des opposants au projet d'aéroport. Ils sont convaincus que certains militants sont prêts à tuer, et qu'ils s'en donnent les moyens. Selon eux, des armes à feu circuleraient à Notre-Dame-des-Landes. Il existerait aussi des stocks de mortier, de l'acide, des bidons enfouis dans des tranchées, mais aussi des techniques presque moyenâgeuses. Par endroits en effet, le terrain est piégé : des herses, des troncs d'arbres bardés de tessons de bouteille, et des trous dans le sol, recouverts de branchages avec des pics en métal. 

Paisible, mais prête à s'enflammer. Aujourd'hui, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ressemble à une campagne classique, faite de prairies, de champs et de sous-bois. 90 habitations, allant de la simple cabane au petit corps de ferme, sont disséminées un peu partout sur 1.600 hectares de terres, soit 2 kilomètres sur 10 environ. Seul symbole de la résistance : une portion de route désaffectée, surnommée par les gendarmes "la route Mad Max", parsemée de chicanes, d'épaves de voitures, de cabanes de tôles et de tas de pneus qui n'attendent que de flamber.

Des opposants aux profils très variés. Au moment de l'évacuation, les gendarmes ne pourront pas arriver sur ce site à la manière d'un rouleau compresseur. À la fois à cause du terrain, mais également des opposants. 300 personnes vivent actuellement dans la ZAD. Place Beauvau, on estime qu'en mois de 24 heures, ils pourraient être 1.500. Ces habitants ont des profils très variés : des habitants de la ZAD écolo-alternatifs (très "résistance passive") aux plus violents, renforcés par l'étranger (les fameux blackblocks).

Les gendarmes savent aussi qu'ils trouveront des agriculteurs locaux avec leurs tracteurs, des sympathisants lambda - pourquoi pas des vieilles dames ? - mais aussi des clowns-activistes, ces militants qui approchent au plus près des forces de l'ordre. Et qui sait ? Ils feront peut-être face, aussi, à des zadistes avec leurs bébés. Une quinzaine d'enfants seraient d'ailleurs nés sur place. Cette multitude d'opposants déstabilise évidemment des gendarmes attendus au tournant au moindre écart. Ils savent qu'ils seront filmés.

Gendarmes contre habitués des lieux. Un dispositif hors norme - potentiellement, 2.500 gendarmes mobiles - pourrait donc être déployé. Ils pourraient faire face à des militants très organisés, autour du grand pylone qui peut faire office de tour de guet. Par ailleurs, les zadistes se servent très peu de téléphones portables, et possèdent une batterie de talkie-walkie. Ils ont également leur propre radio, "radio-klaxon", une station pirate qui - ironie de l'histoire - émet sur la fréquence de Vinci Autoroutes, retenu pour construire l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.