Direct Énergie épinglé : le fournisseur d’électricité a été mis en demeure, mardi, par la Commission nationale informatique et libertés (Cnil). L’instance lui reproche de ne pas demander suffisamment clairement leur consentement à ses clients pour effectuer un suivi à la demi-heure de leur consommation, au lieu du suivi journalier standard. L’entreprise a trois mois pour revoir sa procédure, sous peine d’encourir une sanction financière qui pourrait s’élever jusqu’à trois millions d’euros.
Cet avertissement est le dernier élément d’une longue série de polémiques depuis le début du déploiement de ces compteurs dits "intelligents" en décembre 2015. Vie privée, santé, coûts… Les opposants à Linky jouent sur plusieurs terrains pour convaincre de sa dangerosité et de son inutilité, tandis que ses promoteurs se veulent rassurants sur tous ses points. Sept millions de compteurs ont été mis en place depuis deux ans et demi, et il en reste environ 28 millions à installer.
L’intrusion dans la vie privée toujours critiquée
C’est sans doute le plus gros défi des pro-Linky : convaincre que le remplacement des compteurs n'occasionne pas d’intrusion supplémentaire dans la vie privée des usagers. En collectant des informations précises sur la consommation d’électricité d’un foyer, le fournisseur d’électricité est en tout cas plus renseigné qu’avec un vieux compteur, relevé au minimum tous les six mois. Avec Linky, un suivi d’une demi-heure permet de savoir quand un foyer est occupé, et quand ses occupants en sont absents.
C’est un point essentiel de la mise en demeure de Direct Énergie par la Cnil : elle lui enjoint de demander plus clairement aux clients leur accord pour ce relevé quasi-instantané de la consommation. "Si la Cnil veut qu'on précise des choses, on précisera", avance le cofondateur et PDG de Direct Énergie, Xavier Caïtucoli, auprès de l’AFP. En demandant plus explicitement aux clients leur consentement pour accéder à leurs données, le fournisseur d'électricité s'expose aussi à davantage de réticence de leur part…
Le problème des ondes a priori résolu, mais…
Au début du déploiement des petits compteurs verts, les anti-Linky communiquaient énormément sur le fait que les ondes électromagnétiques dégagées seraient un danger pour la santé. Cet argument a été battu en brèche par l’Agence nationale des fréquences, pour qui "les niveaux de champ magnétique maximal mesurés à 20 cm des compteurs varient entre (…) 100 et 600 fois moins que la valeur limite réglementaire".
Mais l’argument de la nocivité des ondes continue d’être invoqué par de nombreuses associations de riverains opposés à Linky, parfois suivies par des conseils municipaux qui refusent dès lors l’installation de compteurs sur leur commune. La "plateforme opérationnelle anti-Linky", dont la raison d’être est assez claire, affirme que 472 communes françaises se sont à ce jour opposées au remplacement des anciens compteurs. L’AFP précise quant à elle que 300 communes contestent l’installation de compteurs Linky.
Une hausse des tarifs pour payer Linky ?
Le coût de Linky est loin d’être anecdotique : au total, le remplacement des compteurs va coûter 5,7 milliards d’euros. Enedis, qui gère le réseau, a déclaré qu’il prendrait en charge ses coûts grâce aux économies permises par la baisse du nombre de techniciens pour relever les compteurs. Les opposants rétorquent que les consommateurs pourraient indirectement devoir s’acquitter de la facture : ils craignent une hausse du Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe), qui rémunère Enedis et RTE (gestionnaire du réseau haute tension) pour le transport et la distribution de l’électricité. Ce Turpe a déjà augmenté au 1er janvier 2018… avant une hausse des tarifs réglementés de l’électricité de 0,8% pour les clients, un mois plus tard. Les anti-Linky redoutent une nouvelle augmentation cet été. Et des associations comme UFC-Que Choisir émettent des réserves sur les bénéfices très incertains pour les consommateurs. La Cour des comptes parle elle-même de gains "encore insuffisants" pour les usagers.