Les juges d'instruction chargés de l'enquête sur le crash du Rio-Paris en 2009, dans laquelle Air France et Airbus sont mis en examen, ont annoncé le 18 février aux parties avoir terminé leurs investigations, a appris vendredi de source judiciaire et auprès de parties civiles.
"Homicides involontaires". Cette étape, qui intervient près de dix ans après la catastrophe qui avait coûté la vie aux 228 personnes à bord, précède les réquisitions du parquet de Paris, avant la décision des juges sur un éventuel procès de la compagnie et du constructeur. Air France et Airbus ont été mis en examen en 2011 pour "homicides involontaires". Les familles craignent de voir Airbus s'appuyer sur l'ultime contre-expertise, qui accable les pilotes, pour échapper aux poursuites.
Le 1er juin 2009, le vol AF447 s'était abîmé dans l'océan Atlantique. Tous les passagers et membres d'équipages, de 34 nationalités différentes, avaient péri. Point de départ de la catastrophe : le givrage en vol de sondes Pitot, qui a conduit à un dérèglement des mesures de vitesse de l'Airbus A330 et désorienté les pilotes.
Bataille d'experts. Mais l'établissement des responsabilités dans cet enchaînement fatal fait l'objet d'une bataille d'experts, non dénuée de pressions économiques selon les parties civiles. La première expertise en 2012 avait pointé à la fois des défaillances de l'équipage, des problèmes techniques et un déficit d'information des pilotes en cas de givrage des sondes, malgré une recrudescence d'incidents antérieurs signalés à Airbus.
Le constructeur avait sollicité une contre-expertise, qui mettait surtout l'accent sur une "réaction inappropriée de l'équipage" et sur les manquements d'Air France. La jugeant trop favorable à Airbus, des proches des victimes et la compagnie l'avaient attaqué et avaient obtenu fin 2015 son annulation par la cour d'appel de Paris, relançant l'enquête.
Airbus dédouané ? Mais la nouvelle contre-expertise, remise en décembre 2017, a réaffirmé que la "cause directe" de l'accident "résulte des actions inadaptées en pilotage manuel" de l'équipage. "Nous avons au dossier un premier rapport, qui met clairement en cause Air France et Airbus, et une contre-expertise qui tape de manière éhontée sur les pilotes", a déclaré Me Sébastien Busy, avocat partie civile. "Un tel écart justifie un débat devant un tribunal", a-t-il estimé. "Il faut imaginer le caractère abscons d'un procès d'Air France seule où nous passerions notre temps à parler d'Airbus".
Entraide et solidarité AF447, principale association de proches des victimes, a réagi dans un communiqué en citant l'exemple du crash d'Ethiopian Airlines dimanche. L'association note qu'il s'agit là aussi d'un problème "de sondes liées à des automatismes informatiques défaillants. L'avion échappe au contrôle humain, les pilotes en dernier recours doivent gérer l'ingérable". Mais "l'association déplore la différence fondamentale de traitement d'une telle catastrophe entre Boeing", qui admet des dysfonctionnements, "et Airbus", poursuit le communiqué. Les parties civiles ont jusqu'au 18 mai pour déposer leurs observations avant les réquisitions du parquet.