À partir de 13H30 (11H30 GMT), le tribunal doit donner lecture de sa décision et dire si l'avionneur européen et la compagnie française ont commis ou non des fautes en lien certain avec le crash du vol Rio-Paris qui a causé la mort de 228 personnes en 2009. Les deux entreprises encourent 225.000 euros d'amende.
L'accident le plus meurtrier de l'histoire des compagnies aériennes françaises
Le 1er juin 2009, le vol AF447 reliant Rio de Janeiro à Paris s'est abîmé en pleine nuit dans l'Atlantique, quelques heures après son décollage, entraînant la mort de ses 216 passagers et 12 membres d'équipage. À bord de l'A330 immatriculé F-GZCP se trouvaient des personnes de 33 nationalités, dont 72 Français et 58 Brésiliens. Cet accident est le plus meurtrier de l'histoire des compagnies aériennes françaises.
Un jugement très attendu
À l'issue d'une procédure-marathon marquée par des appréciations contradictoires de magistrats, ce jugement est très attendu des deux côtés de la barre. À la fin du procès, qui s'est déroulé du 10 octobre au 8 décembre, le parquet a requis la relaxe des deux entreprises, estimant que leur culpabilité était "impossible à démontrer". Un réquisitoire "que les parties civiles n'ont pas accepté, exclusivement à charge contre les pilotes et en faveur de deux multinationales", a fustigé Danièle Lamy, présidente de l'association Entraide et Solidarité AF447 qui représente les proches des victimes.
"Ce que nous espérons, ce que nous attendons, c'est que le tribunal prononce enfin une décision impartiale et condamne Airbus et Air France, les coupables des négligences et manquements. C'est ce pourquoi nous nous sommes battus depuis pratiquement quatorze ans", a-t-elle déclaré.
"Il en va de la sécurité aérienne de tous"
"Si cela devait aboutir à une relaxe, cela ressemblerait de très près à une justice de marchands, une justice qui cède aux intérêts économiques de l'État", affirme Maître David Coubi, l'un des avocats des parties civiles, au micro d'Europe 1. "Cette décision est d'une importance capitale dans la mesure où il en va de la sécurité aérienne de tous, puisque nous aurions tous pu être dans cet avion. Il en va également de la transparence du secteur aéronautique, c'est tout l'enjeu de ce dossier. On le voit bien à l'écoute de ce qui s'est passé dans le poste de pilotage, de ces quatre minutes avant le crash où les pilotes n'ont pas compris ce qui se passait. S'ils avaient été formés à ça, 228 personnes vivraient encore aujourd'hui", a-t-il poursuivi.
Tout au long du procès, les représentants d'Airbus et d'Air France ont soutenu que les sociétés n'avaient pas commis de faute pénale. Leurs avocats ont plaidé la relaxe, une "décision humainement difficile, mais techniquement et juridiquement justifiée", selon le conseil d'Airbus.
Après la catastrophe, le modèle installé sur l'Airbus du vol AF447 a été remplacé dans le monde entier
Les premiers débris de l'AF447 et des corps, ont été retrouvés dans les jours suivants le crash. Mais l'épave n'a été localisée que deux ans plus tard, après de longues recherches, à 3.900 mètres de profondeur. Les boîtes noires ont confirmé le point de départ de l'accident : le givrage des sondes de vitesse Pitot alors que l'avion volait à haute altitude dans la zone météo difficile du "Pot au noir", près de l'équateur.
Déstabilisé par les conséquences de cette panne, l'un des copilotes a adopté une trajectoire ascendante et, dans l'incompréhension, les trois pilotes n'ont pas réussi à reprendre le contrôle de l'avion qui a décroché et heurté l'océan 4 minutes et 23 secondes plus tard.
Les investigations ont montré que des incidents de sondes similaires s'étaient multipliés dans les mois précédant l'accident. Air France a-t-elle suffisamment formé et informé ses équipages ? Airbus a-t-il sous-estimé la gravité du problème et trop peu alerté les compagnies ? Ces questions ont été minutieusement débattues pendant les deux mois du procès : le tribunal a entendu experts, gendarmes, pilotes, autorités de contrôle aérien, l'ancien patron d'Air Caraïbes et les proches des victimes. Les juges ont tenté de comprendre les réactions de l'équipage dans le cockpit mais aussi la dangerosité, à l'époque, des différentes sondes Pitot.
Après la catastrophe, le modèle installé sur l'Airbus du vol AF447 a été remplacé dans le monde entier. Le drame a entraîné d'autres modifications techniques et une formation renforcée au décrochage ainsi qu'au stress des équipages.
Un "désir de justice"
Les proches des victimes sont dans une "attente confiante" et ont un "désir de justice", a estimé Me Sébastien Busy, l'un de leurs avocats. Ils "espèrent que le tribunal aura entendu nos arguments, qu'on aura une explication sur les causes et une détermination des responsabilités".
Après une décennie de bataille d'experts, le parquet avait requis le renvoi devant le tribunal de la seule compagnie Air France, mais les juges d'instruction avaient prononcé un non-lieu en 2019. Ce non-lieu avait été frappé d'appel et le parquet général avait alors réclamé le renvoi des deux entreprises: en 2021, la chambre de l'instruction l'avait suivi, ordonnant le procès.