Colère des agriculteurs : qu'est-ce que la jachère, et pourquoi cette pratique fait-elle débat ?

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La colère des agriculteurs vise plusieurs normes en vigueur, notamment celle qui concerne la jachère. Une disposition présente dans la PAC 2023 oblige les exploitants à laisser au moins 4% des terres arables (cultivables) en jachères ou en infrastructures agroécologiques. Pourquoi cela fait-il débat ? Europe 1 fait le point.

C'est un dossier mis en lumière par la grogne des agriculteurs. Les exploitants remettent en cause la jachère, et plus précisément une disposition présente dans la politique agricole commune (PAC) version 2023, qui les oblige à laisser au moins 4% des terres arables (qui peuvent être labourées et cultivées) en jachères ou en infrastructures agroécologiques (haies, arbres, bosquets, fossés, les mares) pour bénéficier des aides européennes. Pourquoi cette réglementation, qui peut être abaissée à 3% de terres arables sous conditions, cristallise-t-elle la colère des agriculteurs ?

La jachère, une mise en repos des sols, sans cultures

Pour bien comprendre, il faut d'abord rappeler en quoi consiste la jachère. Il s'agit d'une mise en repos des sols d'une partie de l'exploitation, destinée à les régénérer pour faciliter les futures récoltes. Historiquement, les paysans français ouvrent ces terres à la pâture des ruminants ou y produisent du foin par exemple.

Avec l'évolution des technologies, l'apparition de désherbants et l'introduction d'engrais chimiques, cette technique est peu à peu abandonnée car les agriculteurs n'ont alors plus besoin de laisser une partie de leurs terres sans cultures pour éviter l'épuisement des sols.

Une dérogation qui n'est plus en vigueur depuis fin 2023

Toutefois, la jachère fait son grand retour dans les campagnes françaises dès 1992, avec la PAC adoptée cette année-là. La mise en repos des sols est utilisée comme outil de lutte contre la surproduction : les exploitants doivent geler une partie de leurs terres en échange d'une rémunération. Si cette règle prend fin en 2008, la jachère trouve plus tard des usages écologiques (reconstitution des réserves en eau et de la fertilité des sols, refuges de biodiversité...), et les agriculteurs restent contraints de laisser certaines terres en jachère dans le cadre de la PAC.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, une dérogation de cette règle a été votée afin de pouvoir produire plus pour compenser les perturbations de l'offre céréalière d'Ukraine et de Russie, mais elle a expiré fin 2023. Au moins une dizaine de pays, dont la France, avaient réclamé la poursuite d'une dérogation au moins partielle. En vain.

Malgré tout, face à la colère de nombreux agriculteurs européens sur cette question, la Commission européenne a proposé mercredi une dérogation partielle en 2024, à condition que les agriculteurs atteignent 7% de cultures intermédiaires ou fixatrices d'azote, précise l'exécutif européen - un assouplissement réclamé par une majorité des États membres dont la France. Une proposition "tardive" et "limitée", regrette le Copa-Cogeca, l'organisation des syndicats agricoles majoritaires dans l'UE.

La suppression de l'obligation, un débat entre syndicats

Aujourd'hui, des syndicats réclament la fin de l'obligation de cette pratique car elle impose une réduction de la surface agricole. "Quand on nous dit cette année ce sera 4% de jachère obligatoire, pour nous, ce n'est pas entendable dans le contexte", a notamment tranché Arnaud Rousseau, président de la FNSEA. D'autres acteurs sont favorables, en revanche, au maintien de cette réglementation comme la Confédération paysanne, classée à gauche et défendant un modèle agroécologique.

Pour ce syndicat, la suppression de l'obligation de placer une partie des terres en jachère est "une demande dénuée de sens", notamment du fait qu'"aujourd'hui, on ne manque pas de production de céréales".