C'est un phénomène qui ravit les baigneurs autant qu'il interpelle les climatologues. En raison d'une vague de chaleur marine observable dans la partie nord de l'océan Atlantique, l'eau s'annonce particulièrement chaude sur les plages de la côte ouest de l'Hexagone cet été. L'année dernière, le littoral méditerranéen avait vécu une expérience similaire. Des températures allant jusqu'à 30 degrés avaient été relevées sur les plages du sud de la Corse. S'il est encore difficile de prévoir avec certitude ce qu'il en sera cet été sur la Grande bleue, le phénomène est bel et bien visible dans l'Atlantique.
Peu de nuages et trop peu de vent
Au large de l'Irlande, la température mesurée le 24 juin dernier par le Centre national de recherches météorologiques (CNRM) s'élevait à 18 degrés alors qu'elle ne doit normalement pas excéder 13 degrés à cette période de l'année. Même chose au large du golfe de Gascogne avec 20 degrés enregistrés, soit 4 degrés de plus que la normale. Un phénomène dont l'origine peut dépendre de plusieurs causes. En l'occurrence "sur l'Europe du Nord, on a des conditions anticycloniques persistantes. Donc on a un blocage avec peu de vent et peu de nuages", explique à Europe 1 Thibault Guinaldo, chercheur en océanographie spatiale au CNRM. Ce qui a pour conséquence d'exposer l'océan à la totalité du rayonnement solaire. "Il va donc se réchauffer de façon excédentaire par rapport à la normale", appuie l'expert.
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Et le "brassage des eaux en surface", généralement rendu possible par l'action du vent, est insuffisant depuis plusieurs mois. "D'autres processus océaniques permettent d'opérer ce brassage mais le vent est particulièrement efficace. Or là, peu de brassage signifie peu de mélange, plus d'énergie accumulée et une eau de surface qui se réchauffe", décrit Thibault Guinaldo.
L'action combinée du réchauffement climatique et de la météo
Faut-il alors y voir la patte du réchauffement climatique ? "Oui et non", répond le spécialiste. "Globalement, on a un océan qui est de plus en plus chaud", développe-t-il. Un constat, largement imputable à l'élévation généralisée du mercure, et qui aura tendance à s'accentuer au moindre évènement météorologique responsable d'un réchauffement supplémentaire. La présence persistante d'un anticyclone, que l'on observe dans l'Atlantique, figure justement parmi ces évènements. Cette température anormalement élevée de l'océan est donc la somme des effets tendanciels du réchauffement climatique et des conséquences de phénomènes extérieurs.
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"Maintenant, est-ce que dans une atmosphère qui n'était pas influencée par le changement climatique, nous aurions quand-même ce type d'évènements ? Ça, on ne peut pas le dire pour l'instant. Il faudrait faire des études plus poussées", nuance Thibault Guinaldo.
Effets délétères sur les écosystèmes marins
Du côté de la Méditerranée, le phénomène était bien parti pour se reproduire cet été mais le souffle du mistral ces derniers jours a permis le retour de températures plus conformes à la normale. Une bonne nouvelle compte tenu des risques que font peser ces vagues de chaleur sur les écosystèmes sous-marins. Car cette envolée du mercure entraîne en effet une "stratification" de l'océan. Comprendre, une subdivision de celui-ci en plusieurs couches, très chaudes en surface et beaucoup plus froides en profondeur.
En fonction de l'épaisseur de ces strates et de la puissance du vent, les eaux profondes riches en nutriment peuvent éprouver des difficultés à remonter en surface et privent ainsi de nourriture certaines espèces. Par ailleurs, un océan plus chaud provoque une remontée de l'air dans l'atmosphère favorisant ainsi la formation de nuages et donc de pluies qui, selon leur intensité, peuvent conduire à des phénomènes extrêmes (crues, inondations etc).
Outre l'Atlantique Nord, l'océan Pacifique a lui aussi connu un coup de chaud ces derniers mois. Ce qui aura joué un rôle non-négligeable dans le déclenchement du phénomène El Niño au début du mois de juin et qui pourrait être responsable d'un réchauffement généralisé de la surface du globe.