Tout ce qui touchait au monde du cinéma passionnait le cinéaste Bertrand Tavernier, décédé ce jeudi à 79 ans. Mais il y avait tout de même une gradation parmi ses coups de cœur. Et le western arrivait indéniablement en bonne place, comme il le racontait au micro d'Europe 1 en avril 2019. "Je pense que le western est un genre très, très stimulant pour les metteurs en scène", estimait-il. A l'époque, "il a permis d'aborder le thème de la colonisation, ce qui veut dire le rapport avec les étrangers, le rapport avec les Indiens", notamment aux Etats-Unis, donnait-il en guise d'explication.
"Une manière d'aborder les problèmes raciaux"
"Pendant très longtemps, les films hollywoodiens, et ce que je dis n'est pas non plus complètement vrai parce qu'il y avait des films muets très pro-Indiens, traitaient largement les Indiens comme des sauvages", rappelait-il. "Et puis, petit à petit, à partir de La flèche brisée, les choses ont changé. Tout à coup, on s'est aperçu que le western était aussi une manière d'aborder les problèmes raciaux."
Grâce à sa double casquette de metteur en scène et de producteur, Bertrand Tavernier était par ailleurs capable d'apprécier ce genre cinématographique à plus d'un titre. "J'aime le western sous deux formes. Je l'aime évidemment en tant que film, quand il est tourné par des grands cinéastes", expliquait-il d'abord à notre micro. Mais aussi en tant qu'objet de patrimoine. Il se félicitait ainsi d'avoir "fait sortir en DVD Les aventures du capitaine Wyatt avec Gary Cooper" en France. Un des films qui l'avait "enthousiasmé" quand il avait "14-15 ans". "Chaque fois que c'était possible, je le regardais. Je le voyais en VF, je le voyais dans toutes les configurations possibles", se souvenait-il dans un flot de paroles plein d'entrain.
Faire connaître le western en France
Autre film fétiche de Bertrand Tavernier : Law and order, qui retrace le règlement de comptes d'O.K. Corral qui a eu lieu en 1881 en Arizona, aux Etats-Unis. Un film "totalement différent, en noir et blanc, de 1932", précisait-il. Avec ferveur, il décrivait un "film pratiquement méconnu qui contredit tout ce qu'on écrivait sur le western avant-guerre ; que c'était un genre très simple avec les méchants contre les bons". "C'est un film où on montre qu'imposer la loi dans une ville est quelque chose de difficile, d'âpre, et que la première chose qu'il faut faire, c'est supprimer les armes."
"En 1932, il touchait l'un des sujets numéro un de la politique intérieure américaine", poursuivait-il. Avant de conclure en rappelant son apport pour ce genre dans l'Hexagone : "C'est un film écrit par John Huston, qui était à l'époque scénariste. Il est tiré d'un roman que j'ai fait paraître chez Actes Sud, Saint Johnson. C'est un roman de W.R. Burnett qui a écrit plusieurs romans de western que je suis arrivé à tous faire paraître et qui étaient tous inédits en France." Avec la disparition de Bertrand Tavernier, le western a perdu ce jeudi l'un de ses plus grands admirateurs et promoteurs français.