Alors que 20% des actifs travaillaient en avril depuis chez eux, que 9 millions de Français bénéficiaient du chômage partiel, les Français s'apprêtent à retrouver progressivement le chemin du bureau, à partir du 11 mai. Dimanche, le ministère du Travail a publié un protocole de déconfinement à l'intention de toutes les entreprises. Règle numéro 1 : partout où il est possible, le télétravail doit encore être privilégié.
Lorsque la présence des salariés est nécessaire, l'employeur doit garantir à chaque salarié un espace d'au moins 4 mètres carrés, et ce au bureau, dans les couloirs ou à la cafétéria. Le gouvernement impose aussi la désinfection quotidienne voire plusieurs fois par jour des poignées de porte, interrupteurs, claviers, rampes d’escalier. En cas de non respect de ces mesures, les employeurs engageront leur responsabilité civile et pénale. Et si un employeur est dans l'incapacité de fournir des garanties sanitaires à ses employés, et que le télétravail est impossible, le dispositif de chômage partiel pourra, au cas par cas, encore être de mise pour certaines entreprises, ou seulement pour certains postes. Son étendue sera toutefois très limitée au-delà du 1er juin.
Pour vous aider à y voir plus clair, notre expert juridique, Roland Pérez, a répondu mardi aux questions des auditeurs d'Europe 1.
La question de Julian
Est ce que mon employeur peut m’obliger à arrêter le télétravail pour revenir sur mon lieu de travail ?
La réponse de Roland Pérez
Oui. Autant qu'il peut l'imposer, il peut le faire cesser. Si tout a été mis en place, notamment avec les organisations syndicales, pour garantir la santé et la sécurité des employés, un salarié ne peut pas exiger de rester en télétravail. Sauf bien-sûr s'il s'agit d'une personne vulnérable, ou s'il vit avec une personne vulnérable.
Reste que pour le moment, le gouvernement encourage les entreprises à conserver au moins trois semaines le système de télétravail en l'état, lorsqu'il est possible. On peut aussi imaginer des systèmes alternatifs, avec du télétravail en mi-temps, ou alterné entre les salariés.
La question de Fabien
Je suis patron d’une petite boîte, j'ai 15 employés mais pas l’espace de les accueillir selon les règles du ministère. Y a-t-il des dérogations ?
La réponse de Roland Pérez
Quand la distanciation sociale n'est pas possible, l'employeur doit privilégier les moyens de protection individuelle. Si la règle des 4 mètres carrés ne peut pas être appliquée, le port du masque est obligatoire et c’est l’employeur qui doit le fournir.
L'employeur n'est pas tenu à une obligation de résultat, mais de moyens renforcés. Il ne lui incombe pas de garantir à ses salariés l'absence de toute exposition : il ne le peut pas, en plein pandémie. En revanche, il doit évaluer et éviter le plus possible les risques en prenant toutes les mesures utiles pour protéger les salariés.
La question de Nicolas
A qui puis-je m'adresser si mon employeur ne respecte pas le protocole sanitaire ?
La réponse de Roland Pérez
Le protocole n'est ni un texte de loi, ni une ordonnance. Hormis la responsabilité de l'entreprise, il ne comprend aucune sanction. En cas de non respect, l'Inspection du travail est cependant mobilisée pour recueillir les plaintes et réclamations des salariés. Les médecins du travail sont aussi là pour écouter leurs doléances.
L'Inspection du travail ne peut toutefois pas être saisie de manière préventive, pour vérifier qu'une entreprise a mis en place toutes les mesures du protocole avant de faire revenir ses salariés. Il faut bien garder à l'esprit qu'aucune entreprise n'a intérêt à faire revenir ses salariés sans les protéger : s'ils tombent malades, elle se retrouvera sans force vive pour travailler.