C’est l’heure de vérité pour les derniers étudiants sans affectation sur Parcoursup. La plateforme d’orientation, qui a remplacé APB cette année, devait livrer vendredi (jusqu’à minuit) les dernières propositions des établissements d’enseignement supérieur aux lycéens et aux jeunes en réorientation. Selon les estimations de la ministre Frédérique Vidal, moins de 2.500 bacheliers étaient encore en attente pour la dernière semaine. En apparence, le bilan chiffré est meilleur que la dernière année d’APB. Mais la réalité est un peu plus nuancée.
Des chiffres plutôt positifs…
Sur les 812.000 jeunes sur la ligne de départ le 22 mai, il ne reste donc qu’une "poignée" de bacheliers encore suspendus à la décision des universités : moins de 2.500 donc, contre 3.700 fin septembre 2017. Fin juillet, 50.000 jeunes de plus que l’année dernière avaient même déjà trouvé une formation fin juillet. Voilà pour les chiffres communiqués par le ministère de l’Enseignement supérieur. Mais d’autres données jettent une ombre au tableau, à commencer par les quelque 4.000 jeunes en réorientation toujours dans l’attente, ces bacheliers 2017 qui retentent leur chance sur Parcoursup et gonflent actuellement le nombre de jeunes à l’avenir encore incertain.
Un autre chiffre pose question, celui des 39.000 candidats considérés comme inactifs par la plateforme, des jeunes qui ne répondent plus aux propositions. "C’est un chiffre comparable à celui de l’année dernière", assure Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d’université et de la fac de Paris-Est-Marne-la-Vallée, sur franceinfo. "On sait qu’il y a des formations qui recrutent en dehors des plateformes, comme Sciences Po Paris et certaines filières privées. Et puis il y a des étudiants qui changent d’avis, d’autres qui partent à l’étranger pour des raisons familiales", ajoute-t-il.
" Clairement, Parcoursup gagne le match contre APB "
Malgré tout, le bilan chiffré de Parcoursup est meilleur que celui d’APB. Pour Jimmy Losfeld, président de la Fage, premier syndicat étudiant, les chiffres prouvent "une amélioration" du système d'affectation des jeunes dans l'enseignement supérieur, par rapport au dispositif APB en vigueur l'an dernier. Il cite les 583.000 jeunes qui avaient accepté une proposition au 5 septembre, contre 540.000 il y a un an à la même époque, et rappelle les 31.000 places supplémentaires dans l'enseignement supérieur promises par Frédérique Vidal.
… Mais de la lenteur et de l’angoisse
Si le bilan final est donc relativement positif, le processus d’affectation reste encore critiqué, notamment sur la lenteur du calendrier. Le 23 mai, seule la moitié des candidats avaient reçu une réponse positive. Pour les autres, l’attente a parfois été très longue au cours de l’été. Certains ont même dû attendre septembre pour avoir une réponse. Conséquence d’une plateforme qui envoie les réponses au fur et à mesure mais aussi des vœux non hiérarchisés. Lorsque les réponses ont commencé à tomber, les candidats devaient choisir entre deux propositions fermes mais pouvaient conserver tous leurs vœux "en attente".
Ce processus a, de fait, entraîné un ralentissement du processus car beaucoup ont conservé jusqu'au bout ces propositions potentielles, qui n'étaient pas du coup réinjectées dans le système. "C’est un point noir mais aussi un avantage car on donne le dernier mot à l’étudiant. Le résultat est positif car cela aboutit non pas à des affectations pour remplir les cursus mais à la formulation de propositions qui plaisent à tout le monde", juge Gilles Roussel. Pour le président de la fac de Paris-Est, "clairement, Parcoursup gagne le match contre APB".
" Parcoursup a été une violence généralisée pour tous les lycéens "
La lenteur du processus pendant l'été a posé des difficultés d'organisation aux universités et surtout aux lycées, qui pour certains ne connaissaient pas encore la liste définitive des élèves de classes prépa et de BTS fin août, à quelques jours de la rentrée. Le SNPDEN, premier syndicat des chefs d'établissement, réclame "un ajustement du calendrier", d'autant que, selon eux, "il ne s'est pas passé grand-chose sur la plateforme entre le 20 juillet et le 27 août".
Parcoursup a également généré une forme d'angoisse chez les jeunes, comme le rappelle Louis Boyard, président de l’Union nationale des lycéens. "Parcoursup a été une violence généralisée pour tous les lycéens, et la communication gouvernementale ne pourra pas rattraper ça", a-t-il dénoncé vendredi. "On peut aussi penser à ces lycéens qui, pleins de rêves dans les yeux en octobre, se retrouvent contraints de changer de projet de vie en août. Et ça non plus, les chiffres n’en parlent pas", regrette Louis Boyard. Il dénonce également "l’angoisse" vécue par les lycéens sans affectation pendant "quatre longs mois".
Des pistes d’amélioration
Les problèmes sont posés, il faut désormais les résoudre. Frédérique Vidal a indiqué qu’elle était opposée à un retour de la hiérarchisation initiale des vœux sur Parcoursup mais réfléchit bel et bien à un moyen d’accélérer la procédure. Elle a ouvert la voie à une hiérarchisation a posteriori. Deux cas de figure, déjà évoqués par des syndicats d'enseignants et d'étudiants, sont alors possibles : les candidats pourraient hiérarchiser les réponses en liste d'attente qu'ils reçoivent. L'autre cas de figure serait la hiérarchisation des vœux par les candidats sur la phase complémentaire.
Autre possibilité pour fluidifier la circulation des propositions de formation : informer les candidats sur la liste d’attente de la position du dernier admis dans la formation en question l’année dernière. Ainsi, un jeune placé 340ème sur la liste d’attente d’une fac qui n’est pas allée chercher au-delà du 280ème l’année dernière saura qu’il ne faut pas insister car il n’a que peu de chance d’être pris. Un comité ayant pour mission d’analyser les données de Parcoursup rendra ses conclusions à la fin du mois, une fois que les chiffres définitifs sur le nombre de jeunes ayant trouvé une place, ou restés sur le carreau, seront annoncés mardi.