Un chiffre choc mercredi matin en Une de Libération : 40 tonnes de cannabis auraient été importées en France il y a un an dans un poids lourd, en une seule fois et avec la bénédiction de la police qui voulait démanteler des réseaux. Sauf qu'elle aurait "oublié" de prévenir la justice de l'ampleur de cette cargaison.
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— Libération (@libe) 29 novembre 2016
La justice "enfumée". 40 tonnes de cannabis, c'est un chiffre colossal, cela représente la moitié des saisies effectuées l'an dernier. Mais au-delà du chiffre, c'est la méthode utilisée qui pose problème. Comme l'écrit Libération, l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) est soupçonné d'avoir "enfumé la justice". Au procureur de Perpignan et au juge d'instruction de Lyon, les policiers auraient parlé d'une livraison surveillée de quelques centaines de kilos mais n'ont pas évoqué la présence d'un indic.
Organisation de trafic illicite. Cet indic, l'Ocrtis en a parlé aux magistrats de Paris et Bobigny mais n'a pas précisé, paraît-il, qu'il avait un rôle-clé dans cette affaire. Sans lui, pas de trafic possible. De fait, ce n'est plus une livraison surveillée, autorisée par la loi, mais une livraison organisée, ce qui est interdit. "Ce qui pose problème", selon un magistrat interrogé par Europe 1, "c'est que l'informateur soit à la fois l'organisateur et le principal bénéficiaire de ce trafic et qu'on ne nous ait jamais dit que les quantités importées seraient aussi astronomiques".
"Guerre" des services. L'affaire a éclaté en octobre 2015 après la saisie par les douanes de 7 tonnes de cannabis dans le 16ème arrondissement de Paris, issues en réalité de la livraison supervisée par l'Ocrtis. Une illustration de la "guerre" qui se joue entre les différents services des douanes, de la gendarmerie et de la police, chacun menant ses opérations de son côté.
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Opération exceptionnelle. Plusieurs sources policières d'Europe 1 assurent qu'il n'y a jamais eu volonté de cacher quoi que ce soit aux magistrats. Si tout n'a pas été dit, c'est qu'elle ne savait pas tout : ni la quantité exacte, ni les destinataires. C'était justement le but de cette opération exceptionnelle, une première en Europe : "mettre en œuvre pour la première fois en Europe une logistique complète d’importation de stupéfiants pour éradiquer plusieurs réseaux d’acheminement en un seul dossier judiciaire", comme l'indique une note datée du printemps 2015, publiée par Libération. Cette opération exceptionnelle devait alimenter plusieurs réseaux en région parisienne mais aussi à Nantes, Mulhouse, dans le Nord...
Enquête en cours. L'Inspection générale de la police nationale a été saisie d'une enquête. Pour l'instant, le chiffre de 40 tonnes n'est pas confirmé de source judiciaire, c'est Libération qui l'avance. Les sources policières d'Europe 1 affirment que c'est matériellement impossible de mettre autant de drogue dans un seul camion. Pour finir, un détail révélateur du fossé qui se creuse entre police et justice : le numéro 2 de l'Ocrtis est un ancien magistrat antiterroriste devenu commissaire. Réflexion d'un de ses anciens collègues : "il n'y a rien de pire qu'un magistrat qui devient commissaire, il sait présenter les choses."