Bis repetita. Mais cette fois, sans recours possible. Lundi après-midi, le procès de Jérôme Cahuzac reprendra là où il s’était arrêté, en février dernier. Le Conseil constitutionnel a autorisé en juin le cumul des poursuites pénales et des sanctions fiscales "dans les cas de fraude les plus graves". Qu’importe donc que l’ancien ministre du Budget et son ex-femme aient déjà fait l’objet d’un redressement fiscal majoré de près de 2,3 millions d’euros, ils devront répondre de fraude fiscale, de blanchiment de fraude fiscale et de fausse déclaration à la Commission pour la transparence financière de la vie politique.
Double personnalité. Deux ans après la fin de l’instruction, l’homme dont le nom est désormais associé au plus gros scandale du quinquennat de François Hollande, devra donc s’expliquer sur le mensonge qui a conduit à sa perte. Côté pile, les juges auront face à eux, un chirurgien star des implants - aujourd’hui retraité - étoile filante de la politique qui a gravi les échelons en un temps record et qui, ironie du sort, s’est fait connaître en faisant de la fraude fiscale son cheval de bataille. Côté face, ils interrogeront Birdie, son pseudonyme lorsqu’il ouvre un compte en Suisse en 1992 et qui lui sert à gérer ses fonds occultes. Cet homme de gauche qui demandait publiquement aux exilés fiscaux de contribuer au redressement du pays tout en se faisant remettre, au même moment, des enveloppes avec 10.000 euros en cash tirés de ses fonds cachés ? "Qui n’a pas de part d’ombre ? Et une part d’ombre, c’est parfois douloureux", avait reconnu l’ancien ministre lors de son interview-aveu à BFM TV.
Pour préserver son secret, Jérôme Cahuzac ment jusqu’à être acculé. Lorsque l’information sort, en décembre 2012 sur le site Mediapart, celui qui est alors ministre du Budget crie à la calomnie et au mensonge, porte plainte pour diffamation. "Les yeux dans les yeux", il jure à François Hollande que jamais, ô grand jamais, il n’a eu de comptes bancaires dissimulés. Mais l’étau se resserre. Le site d’information détient un enregistrement compromettant pour l’homme politique. Un message laissé dix ans auparavant par erreur sur le répondeur d’un de ses adversaires politiques, Michel Gonnelle, dans lequel il avoue avoir un compte en Suisse. La voix est difficilement reconnaissable mais la spirale est enclenchée. Fin mars, après avoir démissionné du gouvernement, il reconnait sur son blog avoir menti, provoquant ainsi un séisme à gauche.
Jusqu’à 7 ans de prison. Il faudra près de deux ans aux juges Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke pour démêler l’écheveau des comptes bancaires dissimulés en Suisse, à Singapour et sur l’île de Man et des transferts de fonds de l’ancien ministre et de son ex-épouse Patricia, également sur le banc des prévenus. Le premier est poursuivi pour 687.000 euros d’avoirs dissimulés et la seconde pour un montant de 2,5 millions d’euros. L’argent provient de leur fructueuse clinique d’implants capillaires. Sont également poursuivis pour blanchiment leurs anciens conseillers, le banquier suisse François Reyl et l’ancien avocat Philippe Houman. Tous encourent jusqu’à 7 ans de prison et un million d’euros d’amende. S’y ajoute une éventuelle peine d’inéligibilité pour l’ancien homme politique.
Reste qu’avant même le début du procès, ses avocats envisagent les suites possibles. S’il n’obtient pas gain de cause devant les autorités françaises, ses conseils pourraient saisir la Cour européenne des droits de l’homme une fois tous les recours épuisés. Or, la jurisprudence de la plus haute instance judiciaire consacre le principe de "non bis in idem", littéralement "pas deux fois la même chose". L’arrêt Grande Stevens de mars 2014 rappelle ainsi qu’il n’est pas possible de poursuivre et de condamner la même personne pour les mêmes faits par une autorité administrative et par une autorité pénale. L’affaire n’en est donc qu’à ses balbutiements.