Secoué depuis janvier par un scandale visant ses pratiques, Orpea tient ce jeudi son assemblée générale, l'occasion pour le groupe de maisons de retraite de tenter de convaincre ses actionnaires et le grand public qu'il a tiré les leçons de cette crise. Les actionnaires se réuniront à Paris pour la première fois depuis la publication du livre-choc "Les Fossoyeurs" qui a sérieusement écorné le modèle, les pratiques et aussi l'image d'un groupe présent dans 23 pays et qui gère plus de 350 établissements pour personnes âgées dépendantes en France.
Renouvellement "de grande envergure"
Emmanuel Macron avait ainsi jugé "choquantes, bouleversantes" les révélations de l'enquête journalistique. Si le scandale n'a pas empêché Orpea de réaliser un chiffre d'affaires flatteur de 2,3 milliards d'euros au premier semestre, en hausse de 11,7% par rapport à la même période en 2021, le groupe entend tourner la page de cette crise au travers d'une AG qui programme un grand changement de gouvernance au milieu d'une quarantaine de résolutions.
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Les actionnaires voteront notamment les nominations de cinq nouvelles personnes au conseil d'administration d'Orpea, l'organe chargé de déterminer les orientations stratégiques et de veiller à leur bon déploiement. Parmi les administrateurs proposés figure l'ancien patron de la SNCF, Guillaume Pepy, appelé à prendre la présidence du conseil. Pour les analystes d'Oddo BHF, il s'agit d'un renouvellement "de grande envergure" qui illustre la "volonté de changement" du groupe. Une "première étape" sur la "longue route" pour reconstruire le "nouvel Orpea".
Les changements de cette ampleur restent "assez rares", commente Lionel Lesur, avocat associé au cabinet Franklin. "Mais il était indispensable de renouveler profondément la gouvernance d'Orpea pour participer, aux côtés des autres mesures annoncées, à la restauration d'un climat plus serein et d'une meilleure confiance". Au cours de l'AG, les dirigeants devront "prendre acte du passé avec le niveau de justesse approprié et montrer qu'ils ont déjà commencé à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour remédier à la situation", ajoute-t-il.
Rémunération variable
Le président du conseil d'administration Philippe Charrier a déjà assuré qu'un "plan d'actions" avait été mis en place pour "bannir les pratiques inadéquates" et "gagner en efficacité". Les actionnaires se prononceront également sur la rémunération des dirigeants du groupe. Le conseil recommande de voter contre la rémunération variable de l'ancien directeur général Yves Le Masne, qui s'élèverait à 563.666 euros au titre de l'année 2021. Il avait été limogé fin janvier après les révélations des "Fossoyeurs".
Depuis, la justice a ouvert une enquête : Orpea est soupçonné de maltraitance institutionnelle et d'infractions financières. Le fonds d'investissement Mirova, filiale de Natixis et l'un des principaux actionnaires d'Orpea avec 3,90% du capital, juge "bienvenue" la recommandation sur la rémunération variable de M. Le Masne. "Nous attendons prioritairement que les dirigeants d'Orpea montrent qu'ils ont tiré les leçons de la crise et qu'ils vont ouvrir un nouveau chapitre", précise à l'AFP Hervé Guez, directeur des gestions actions, taux et solidaire chez Mirova.
Avec un nouveau directeur général, Laurent Guillot, ayant pris ses fonctions le 1er juillet, "l'exercice va être difficile", concède-t-il. "Ils pourront donner des pistes mais la stratégie pour le groupe va se construire pendant l'été".
"Rien ne change"
Quelles mesures pour parvenir à une gestion irréprochable des soins en Ehpad ? Quels moyens alloués à cet objectif ? Le fonds d'investissement espère obtenir des réponses à la rentrée. "J'espère qu'ils prendront en compte les doléances des familles pour changer en profondeur Orpea", fait valoir l'avocate Sarah Saldmann, qui a déposé près de 80 plaintes de familles de résidents contre Orpea. À côté des investisseurs et des familles, les syndicats garderont aussi un œil sur l'AG.
"Ils vont parler de transparence mais on va attendre les actes", souligne auprès de l'AFP Fabien Hallet, secrétaire fédéral CFDT santé-sociaux. Même constat pour l'Union fédérale de la santé privée CGT : "rien ne change, rien ne s'améliore, les pratiques sont toujours les mêmes", déplore son secrétaire général, Dominique Chave. "On demandera à rencontrer très rapidement M. Pepy pour s'assurer d'avoir des garanties sur l'avenir du groupe et sur ce qu'il va mettre en œuvre pour aborder autrement le dialogue social, qui est l'un des pires en France", complète-t-il.