Elisabeth Tanner, agent de stars : "L'urgence est d'être à l'écoute du talent qui vous appelle"

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A.D
Agent de personnalités depuis plus de 20 ans, Elisabeth Tanner a inspiré le personnage d'Andréa dans la série "Dix pour cent". Pour Europe 1, elle démêle le vrai du faux sur sa profession.

Elle est celle qui a inspiré le personnage d'Andréa, joué par Camille Cottin dans la série Dix pour centdont la deuxième saison a débuté mercredi sur France 2. Dans la vraie vie, Elisabeth Tanner est depuis plus de 20 ans l'agent de Charlotte Rampling, Nathalie Baye, Sophie Marceau, Claude Brasseur ou encore Patrick Bruel. Et la liste n'est pas exhaustive. Désormais à la tête de sa propre agence, Time Art, elle était l'invitée de C'est arrivé cette semaine pour dévoiler les coulisses de son métier.

Pas de journée type. Si la série s'inspire de sa vie, et surtout de son métier, c'est que la profession d'agent doit s'avérer palpitante. "On n'a pas de problème d'ennui", confirme Elisabeth Tanner. "Ce qui est intéressant dans la série, c'est qu'elle a montré un peu ce que nous on vit de l'intérieur, avec des personnalités toutes différentes - je parle des artistes - et avec des agents qui collaborent ensemble qui sont parfois des personnalités extrêmement divergentes aussi." Une journée type ? "On ne l'a jamais. On peut prévoir un certain nombre d'éléments tangibles, une projection, des rendez-vous, qu'on déplace beaucoup d'ailleurs". Et puis, soudain, l'urgence survient.

L'urgence d'être à l'écoute. L'urgence pour un agent ? "Pas de carotide qui saigne", mais par exemple un comédien qui bloque un tournage parce qu'il ne s'entend pas avec une comédienne. "La vraie urgence, c'est quand on bloque une journée de tournage pour une raison X ou Y, ça peut être un sinistre, un problème d'assurance, un acteur qui a disparu et on ne sait pas où il est, un acteur qui ne s'est pas réveillé. L'urgence est d'être à l'écoute du talent qui vous appelle."

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Je n'ai pas le temps d'aller sur Meetic toutes les nuits.

10%, la réalité. Question tarif, les 10% ne sont pas une invention. "On les prend, c'est normal", mais le pourcentage ne peut pas aller au-delà. "Vous pouvez gagner très bien votre vie comme être dans la misère la plus totale. Sur les écarts, on est presque comme les avocats." Dans la série, Andréa est bosseuse, incapable de s'attacher, à la fois odieuse et touchante. Elle multiplie les conquêtes féminines. La muse de Dominique Besnehard, le créateur de la série, reconnaît qu'il s'est inspiré de "certains traits de caractère (...) Défendre les intérêts des acteurs, un projet, ça fait partie vraiment de mon tempérament. Je suis frontale, courageuse, travailleuse." Pour ce qui est des conquêtes féminines, "je n'ai pas le temps d'aller sur Meetic toutes les nuits", avoue-t-elle avec franchise, avant de confesser un peu plus tard que sa vie privée a largement été phagocytée par son métier.

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Le rôle d'Andréa (Camille Cottin) a été inspirée de la vie d'Elisabeth Tanner.

Crédit : Christophe BRACHET / FTV

Un métier qui s'est adapté. Quant à piquer les talents des autres, ce que l'on voit beaucoup dans la série aussi, Elisabeth Tanner met le hola, étant donné qu'elle est présidente du syndicat des agents. "Après, quand vous avez des véritables admirations, il faut savoir planter les banderilles". L'idée, c'est de montrer son intérêt, d'aller voir le talent au théâtre, se signaler, suivre son parcours. Heureux avec un autre agent, un acteur ne changera pas de maison, assure-t-elle. "Les transferts se font quand il y a une sorte de lassitude."

Le métier s'adapte aussi aux transformations de la société, et notamment à l'économie du cinéma qui a changé, et les grosses agences ne peuvent faire l'économie de juristes. La profession s'est... professionnalisée. Les agents de sa génération tombaient dedans par hasard, en pensant peut-être à devenir acteurs. Les agents d'aujourd'hui sont là pour devenir agents.

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Le métier d'acteur répond à quelque chose de l'ordre du manque.

Cannes, le zénith. Le métier, aujourd'hui, c'est aussi gérer "l'endorsement", c'est-à-dire utiliser l'image d'un talent pour faire vendre un produit. Un paramètre qui a pris beaucoup de place, et contre laquelle Elisabeth Tanner met en garde : "Ce sont les films qui font l'image". Le festival de Cannes, qui débutera le 17 mai, est un climax. Un moment "fou" et "excitant". "C'est un des plus grands festivals du monde. Tout le métier se déplace, on voit nos camarades agents étrangers. C'est aussi l'accompagnement des talents, qui sont nerveux. "Paradoxalement, explique-t-elle, au quotidien, "un jeune acteur demande plus de travail que des gens en place. Avec quelqu'un très en position, vous choisissez les films. Avec un jeune acteur, il faut faire avec." 

"Personnalités fragiles". L'agent révèle aussi avoir joué le rôle de garde-fou, quand les drogues ou l'alcool s’avéraient trop proches. "Je mets en garde souvent les premiers pas. Quand on voit des jeunes gens commencer à sortir beaucoup, fréquenter certaines personnes dont on connaît un peu les addictions, on dit 'fais attention'. On est avec des personnalités fragiles. On ne fait pas ce métier par hasard. Le métier d'acteur répond à quelque chose de l'ordre du manque. Souvent, ce sont des gens qui n'ont pas été regardés", des enfants de couple fusionnel ou qui ont été un peu délaissés. "On voit cette nécessité de reconnaissance et de légitimité."