Jachère, pesticides, normes environnementales, autorisations administratives, prix du gazole... Les cultivateurs et éleveurs français n'ont pas tous les mêmes demandes, mais partagent un même malaise sur leur avenir, écartelés entre leur désir de produire et d'exporter, et la nécessité d'intégrer des contraintes environnementales pour réduire leur impact sur la biodiversité et le climat.
Les informations à retenir :
- La mobilisation des agriculteurs se poursuit mercredi en France avec des barrages routiers
- Les agriculteurs entravent l'accès des camions au port de Calais
- Une agricultrice et sa fille sont décédées mardi après avoir été percutées sur un barrage routier en Ariège
- Le gouvernement a "entendu l'appel" des agriculteurs et va "continuer à y répondre"
- Gabriel Attal tiendra une réunion de travail jeudi, notamment avec le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau
- La Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, appelle ses adhérents à se mobiliser
- La préfecture d'Agen a été bloquée par des agriculteurs avec une barrière de fumier en feu
- Darmanin donne des consignes de "grande modération" aux préfets
La FNSEA et JA appellent le gouvernement à prendre en compte "l'intégralité" de leurs demandes
La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs exhortent le gouvernement à prendre en compte "l'intégralité" de leurs doléances pour parvenir à une sortie de crise, ont déclaré mercredi les présidents de ces syndicats à l'AFP.
La "centaine de propositions très concrètes qu'on présentera ce soir au Premier ministre (...) est une demande complète dans laquelle il n'est pas question qu'on fasse ses courses", a prévenu le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, en concédant que le volet d'aides immédiates à la profession réclamé par les organisations, même s'il n'est pas encore précisément chiffré, représentait "plusieurs centaines de millions d'euros".
La FNSEA veut des aides "immédiates" et un allègement des contraintes environnementales
La FNSEA a réclamé mercredi soir des aides "immédiates" pour les agriculteurs et un allègement des contraintes environnementales, dans une liste détaillée de demandes adressée au gouvernement en pleine mobilisation de la profession dans toute la France.
Le premier syndicat agricole français et les Jeunes Agriculteurs (JA) exigent des "réponses immédiates sur la rémunération", dont une aide d'urgence aux "secteurs les plus en crise", et à plus long terme, la mise en oeuvre d'un "chantier de réduction des normes", ont-ils indiqué dans un communiqué.
Gérald Darmanin donne des consignes de "grande modération" aux préfets
Le ministre de l'Intérieur a donné mercredi soir des consignes de "grande modération" aux préfets, en leur demandant de ne faire intervenir les forces de l'ordre qu'en "dernier recours", alors que les actions coup de poing des agriculteurs se multiplient. "Je tiens à vous rappeler la consigne de grande modération attendue des forces de l'ordre sous votre autorité", écrit le ministre dans cette instruction.
Les forces de l'ordre déployées "aux abords de bâtiments publics" ne "seront autorisées à intervenir" qu'"en dernier recours", ajoute le ministre, et "dans le seul cas où l'intégrité des personnes serait menacée ou les bâtiments exposés à de graves dégradations".
"Pour mémoire, ces opérations sensibles doivent être filmées, notamment par l'activation systématique de caméras piétons", écrit encore le ministre. Cette instruction intervient alors que les actions des agriculteurs sont montées d'un cran.
La préfecture d'Agen prise pour cible
C'est l'image qui reste après cette nouvelle journée de mobilisation, ce mercredi. Des agriculteurs ont mis une barrière de fumier en feu devant la préfecture. Ce mercredi soir, la situation est maîtrisée. Un camion de pompier est en train d'éteindre cet incendie en fin de soirée.
La Confédération paysanne appelle ses adhérents à se mobiliser
La Confédération paysanne, troisième syndicat agricole en France, classé à gauche, a appelé mercredi l'ensemble de ses adhérents "à se mobiliser" auprès des agriculteurs déjà sur le terrain, tout en soulignant être en désaccord avec les "solutions proposées" par les syndicats majoritaires.
"Alors que plusieurs Confédérations paysannes départementales étaient déjà mobilisées sur le terrain, la décision de notre comité national va amplifier cette mobilisation", a estimé l'organisation dans un communiqué, en soulignant qu'elle lutterait "contre toute forme de récupération de (ces) colères" des agriculteurs "pour attiser le chaos".
Réunion de travail jeudi à Matignon
D'après les services du Premier ministre, Gabriel Attal tiendra une réunion de travail avec Marc Fesneau, Christophe Béchu et Bruno le Maire ce jeudi à 8h30 à Matignon, "après avoir consulté l’ensemble des organisations représentatives des agriculteurs", précise un communiqué transmis à Europe 1. Cette réunion sera consacrée à "la situation agricole et (aux) réponses qui peuvent être apportées".
Le péage de Saint-Omer dans le Pas-de-Calais bloqué
Après une opération escargot menée dans la matinée, plusieurs centaines de poids lourds et de voitures sont bloquées depuis 10 heures ce mercredi matin, provoquant quelques frictions entre les agriculteurs et les automobilistes. Si ces exploitants ont entendu les propos du gouvernement, promettant des annonces dans les prochains jours, dans cette région déjà sinistrée il y a peu par les inondations, ils attendent plus que des paroles de réconfort.
"Au bout d'un moment, il faut des réponses. Il y en a, ça fait des années qu'on ne les a pas vus dans une manifestation. Donc oui, la colère est bien présente", confirme auprès d'Europe 1 Jean-Pierre Clipet, responsable local de la FDSEA.
Crédits photos : Lionel Gougelot/Europe 1
Le gouvernement a "entendu l'appel" des agriculteurs
Le gouvernement a "entendu l'appel" des agriculteurs et va "continuer à y répondre", a affirmé mercredi la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, assurant que "des annonces vont arriver dans les jours à venir".
L'exécutif est "déterminé à protéger le modèle agricole français, pour que les agriculteurs puissent vivre décemment de leur travail", a-t-elle ajouté à l'issue du Conseil des ministres. Elle a évoqué des discussions sur la taxe concernant le gazole non routier et "les avances de trésorerie" Gabriel Attal devrait effectuer un déplacement à la fin de la semaine, potentiellement vendredi. "Il fera des annonces fortes et percutantes", promet un conseiller. "Reste à savoir si ça va suffire et si ce ne sera pas déjà trop tard", s'interroge un autre. En attendant, ordre est donné de ne pas empêcher les barrages routiers.
Des agriculteurs en colère devant le Parlement européen
Près de 150 agriculteurs se sont massés devant le Parlement européen pour tenter de faire entendre leur colère auprès des eurodéputés, et dénoncer les lois européennes. En guise de symbole, ils ont installé une maquette de vache aux couleurs de l'UE, pendue à un tracteur. Les agriculteurs rencontreront tout au long de la journée des élus européens en espérant être entendus.
"Les actions vont s'amplifier", promet la FNSEA
"On est parti pour la journée, pour la nuit... tant que des mesures concrètes ne sont pas annoncées", a dit mardi Thierry Sénéclauze, agriculteur dans la Drôme, dénonçant "les normes toxiques et bolchéviques".
Démarré jeudi dernier en Occitanie par un blocage d'autoroute qui continue, le mouvement, soutenu par le premier syndicat du pays FNSEA, s'étend dans la région et dans toute la France. "Les actions vont s'amplifier" mercredi, a promis mardi soir sur TF1 le président de la FNSEA Arnaud Rousseau.
Après la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) reçus lundi, la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, et la Confédération paysanne, troisième, sont sortis mardi soir du bureau de Gabriel Attal sans appeler à lever les blocages. La Coordination rurale a jugé l'échange "constructif" tandis que la Confédération paysanne a parlé de propositions "insuffisantes".
"Des vignerons ont fait le choix du suicide"
Mercredi à l'aube, la préfecture de la Creuse a indiqué sur le réseau social X que "la RN145 est bloquée dans le sens Guéret/Limoges à partir de l'échangeur 54". Un blocage des accès aux autoroutes A89 et A10 est également prévu.
En Gironde, des dizaines de tracteurs, formant une colonne impressionnante, sont entrés sur la rocade bordelaise tôt ce mercredi matin, à hauteur de l'échangeur 26 en direction de Périgueux-Libourne et bloquent les voies dans les deux sens. "On va bloquer la rocade bordelaise à l'arrivée de l'autoroute A89 qui arrive de Périgueux et Lyon. La viticulture, ça représente 3,5% de la surface des 110.000 hectares de vignes qu'il y a en Gironde. Il y a déjà des vignerons qui, malheureusement, ont fait le choix du suicide et d'autres qui ont déjà déposé le bilan et avec toutes les conséquences que ça a... C'est-à-dire des vignes qui sont abandonnées, qui cette année, on l'a vu, ont mis le mildiou chez leur voisin. C'est dramatique", témoigne au micro d'Europe 1 Jean-Samuel Eynard, viticulteur et président de la FDSEA en Gironde.
Routes quadrillées de blocages
L'A4 sera aussi bloquée aux alentours de Strasbourg à partir de la mi-journée tandis que les Jeunes Agriculteurs prévoient de bâcher les radars de Moselle (hors autoroute).
Des tracteurs sont également attendus sur d'autres routes de France, comme à Bayonne et Pau (A63 et A64), autour de Lyon (M6, A47), sur l'A7 de Orange à Montélimar, entre Valence et Grenoble (A49), entre Saint-Amand-Montrond et Bourges (A71), sur la rocade d'Orléans, et sur ou aux abords de nombreuses voies rapides de Bretagne (notamment la RN12). À Agen, la Coordination rurale bloque l'A62 et menace de faire "tomber" les grilles de la préfecture, qu'ils ont déjà arrosées de lisier mardi.
Dans les Hauts-de-France, les agriculteurs comptent poursuivre le barrage filtrant mis en place sur un péage de l'A29 près d'Amiens (Somme), et organiser de nouvelles manifestations dans l'Aisne et le Pas-de-Calais notamment, où selon la préfecture de région, "l'accès aux différentes plateformes transmanche est susceptible d'être perturbé" -- tunnel sous la Manche et port desservant l'Angleterre.
De multiples autres ronds-points, péages ou bretelles d'autoroutes seront occupés, sans compter des opérations escargots, comme à Angoulême mardi, ou deux péages rendus gratuits sur l'A83 en Vendée.
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La Coordination rurale promet de poursuivre ses opérations de bâchage de radars, notamment dans le Lot-et-Garonne et en Dordogne, et veut sensibiliser les visiteurs du festival de BD d'Angoulême à "la cause des agriculteurs".
C'est à la suite d'un accident sur un barrage, sur une section de la RN20 Toulouse-Andorre, fermée à la circulation, qu'une éleveuse de vaches d'une trentaine d'années et sa fille adolescente sont décédées après avoir été percutées par une voiture.
Les agriculteurs entravent l'accès des camions au port de Calais
Les agriculteurs bloquent mercredi matin la principale voie d'accès au port de Calais aux camions en partance pour le Royaume-Uni transportant de la marchandise, a-t-on appris auprès du port et de la FDSEA. Les manifestants empêchent l'accès à la rocade portuaire "à l'intégralité du fret mais laissent passer les véhicules de tourisme", a affirmé le port de Calais à l'AFP.
Selon le représentant de la FDSEA dans le Calaisis, Antoine Peenaert, ces blocages doivent se poursuivre jusqu'à 15H00. L'autoroute A16 est également bloquée au niveau des accès aux plateformes transmanche sans perturber à ce stade le trafic dans le tunnel sous la Manche, selon Eurotunnel. "C'est un ras-le-bol général, ça fait des mois qu'on essaie de le dire à nos politiques, mais il n'y a rien qui bouge, on en a marre", lance parmi les manifestants Julien Duchateau, agriculteur à Marquise (Pas-de-Calais). Il pointe aussi "la paperasse" qui "exaspère tout le monde".
Le deuil des agriculteurs de l'Ariège
Avec cet accident, c'est toute une profession qui est marquée. En signe de solidarité, le mouvement va se poursuivre avec rigueur dans les départements voisins de l'Ariège, comme l'Aude ou la Haute-Garonne. Aux Pujols, petit village où la famille renversée résidait, les agriculteurs défilent pour déposer des fleurs près de la maison d'Alexandra Sonac. Tous ont les yeux rougis par le chagrin, évoquant Alexandra devant la presse comme une femme "dynamique, très investie dans les combats agricoles".
Au nom des agriculteurs, le président de la Chambre d'agriculture locale appelait à une grande dignité. "La justice fera son travail. Nous sommes dans les pleurs, la douleur d'une famille, d'une profession et d'un département", a-t-il conclu.
Pour résoudre la crise, des mesures pourraient arriver rapidement
Assailli de questions à l'Assemblée mardi, le Premier ministre a évoqué des mesures qui pourraient arriver rapidement : d'abord sur la rémunération des agriculteurs par les industriels et les grandes surfaces, censée être sanctuarisée par la loi dite Egalim. Les négociations commerciales annuelles se termineront le 31 janvier.
Il a aussi promis de répondre à la demande de simplification administrative, les exploitants, surtout les éleveurs, devant remplir chaque jour de nombreux documents. Les demandes de subventions et d'aides après des calamités prennent aussi trop de temps, se plaignent les agriculteurs.
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Les autres grands pays agricoles européens sont confrontés à des mouvements similaires, si bien que le sujet agite aussi Bruxelles. La Commission européenne réunira jeudi organisations agricoles, secteur agro-alimentaire, ONG et experts pour tenter de calmer le jeu et convaincre de l'intérêt de réconcilier transition écologique et agriculture.