Avant de "mettre à l'arrêt" la France le 7 mars, les syndicats ont organisé jeudi leur cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites pour maintenir une pression sur les députés dont les débats à l'Assemblée pourraient faire l'impasse sur le report de l'âge légal d'ici vendredi minuit. En pleine période de vacances scolaires, à l'exception de l'Ile-de-France et de l'Occitanie, la participation aux grèves s'annonçait en nette baisse, et effectivement, les chiffres rendus publics l'attestent. Alors que la CGT revendique 1,3 million de manifestants, le ministère de l'Intérieur évalue lui à 440.000 personnes jeudi partout en France
Les principales informations à retenir :
- 440.000 manifestants en France selon l'Intérieur, 1,3 million selon la CGT
- 300.000 manifestants à Paris selon la CGT, 37.000 selon la préfecture de police
- Le taux de gréviste à la SNCF en forte baisse, à 14% à la mi-journée
- Les leaders des huit principaux syndicats manifestent à Albi
- La police s'attend à voir jusqu'à 650.000 personnes dans la rue
- L'intersyndicale a appelé à "mettre la France à l'arrêt" le 7 mars prochain
440.000 manifestants en France selon l'Intérieur, 1,3 million selon la CGT
Les manifestations ont rassemblé jeudi 1,3 million de personnes contre la réforme des retraites, a affirmé la CGT à l'AFP, à l'issue de la cinquième journée de mobilisation. C'est le chiffre le plus faible depuis le début de la mobilisation le 19 janvier. La dernière journée, samedi, avait rassemblé "plus de 2,5 millions" de manifestants selon la centrale syndicale, et 963.000 selon la police.
Selon le ministère de l'Intérieur, 440.000 personnes ont manifesté partout en France. A Paris, la préfecture de police a chiffré à 44.000 le nombre de manifestants, en baisse également par rapport à précédente journée de mobilisation samedi. La CGT a estimé de son côté à 300.000 le nombre de participants au cortège parisien contre 500.000 samedi dernier, et le cabinet indépendant Occurrence 33.000.
351.000 manifestants hors Paris à 17 heures
351.000 personnes manifestaient ce jeudi à 17 heures en France, hors Paris, selon des sources policières à Europe 1. 10.000 manifestants étaient également comptabilisés à Albi.
Jean-Luc Mélenchon appelle les députés à ne pas "se précipiter" vers l'article sur l'âge de départ
Le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon a appelé les députés à ne pas se "précipiter" vers l'article clé de la réforme des retraites sur l'âge de départ à 64 ans, critiquant le retrait "incompréhensible" d'amendements communistes. "Incompréhensible retrait des amendements du PCF. Pourquoi se précipiter à l'article 7 ? Le reste de la loi ne compte pas ? Hâte de se faire battre ?", a tancé Jean-Luc Mélenchon sur le réseau social Twitter.
Incompréhensible retrait des amendements du PCF. Pourquoi se précipiter à l'article 7 ? Le reste de la loi ne compte pas ? Hâte de se faire battre ?
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) February 16, 2023
300.000 manifestants à Paris selon la CGT, 37.000 selon la préfecture de police
Quelque 300.000 personnes manifestaient jeudi à Paris pour la cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, a annoncé la CGT à l'AFP, alors que le chiffre des autorités n'était pas immédiatement disponible. C'est moins que lors de la dernière journée de mobilisation samedi, où la CGT avait recensé 500.000 manifestants dans la capitale et les autorités 93.000.
En fin d'après-midi, la préfecture de police de Paris a dénombré 37.000 manifestants au total dans la capitale.
Pas d'interpellation à Paris
Lors de cette cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, 1080 contrôles ont été effectués en amont. À ce stade, aucune interpellation n'a été recensée, selon des sources policières.
Reprise du trafic SNCF après l'occupation des voies par des manifestants
La SNCF a annoncé jeudi en début d'après-midi une reprise progressive du trafic en gare de Rennes, qui avait été suspendu après l'occupation des voies par des manifestants en marge du défilé contre la réforme des retraites. "Les vérifications des installations sont terminées : les circulations reprennent progressivement", a indiqué peu après 14 heures la communication régionale de la société ferroviaire, jointe par l'AFP.
Aux alentours de 13 heures, plusieurs dizaines de manifestants avaient envahi les voies ferrées aux abords de la gare, a constaté un journaliste de l'AFP. Les CRS ont ensuite délogé les manifestants, sans usage de gaz lacrymogènes, et ont effectué au moins une interpellation, d'après la même source.
Laurent Berger salue une cinquième journée "réussie"
Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a salué jeudi une cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites d'ores et déjà "réussie", assurant que "la détermination et la combativité sont intactes". "Le gouvernement doit entendre ce qui est en train de se passer", a martelé Laurent Berger peu avant le départ de la manifestation à Albi. Les responsables des huit principaux syndicats ont choisi de manifester dans cette ville de 50.000 habitants pour mettre un "coup de projecteur" sur la forte mobilisation dans les villes moyennes, "un très beau symbole", selon le responsable syndical.
"Je crois que la journée est réussie déjà (...) avec beaucoup de participants", a-t-il affirmé. "Ca marche, parce que le mécontentement, la détermination et la combativité sont intacts". "Si le gouvernement n'entend pas, on reviendra à la charge, et on reviendra déterminés et encore plus fort le 7 mars prochain", a-t-il prévenu, estimant que "miser sur un possible essoufflement" serait "une folie".
La mobilisation pèsera sur les débats, estime Philippe Martinez
Tout en reconnaissant un "petit tassement" en raison des vacances scolaires, son homologue de la CGT Philippe Martinez a estimé que la mobilisation "pèsera" sur les débats en cours à l'Assemblée, les élus ne pouvant "être indifférents quand il y a autant de monde dans la rue". Il a plaidé, comme Laurent Berger, pour que l'article 7 qui porte la mesure phare du recul de l'âge de départ de 62 à 64 ans, soit voté, estimant qu'"il serait bon qu'on puisse avoir l'avis factuel des députés sur cette question".
Il s'est dit "convaincu que le gouvernement sait ce qu'il se passe dans la rue", "mais il faut continuer parce que pour l'instant, l'objectif n'est pas atteint", le retrait de la réforme, a-t-il ajouté.
Jean-Luc Mélenchon appelle à "tout bloquer" le 7 mars
"Le 7 mars, on bloque tout, tout doit s'arrêter partout", a lancé jeudi à Montpellier le chef de files des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, reconnaissant qu'une "certaine forme d'action", celle des manifestations à répétition, avait "atteint sa limite". "Le président est plus absent que jamais (...), nous avons besoin que par une action déterminée aujourd'hui et le 7 (mars), il lui soit donnée la leçon qu'il doit recevoir", a encore déclaré M. Mélenchon, qui s'exprimait en marge de la manifestation contre la réforme des retraites organisée jeudi à Montpellier, où il sera en meeting dans la soirée.
Evoquant cette mobilisation de jeudi, il l'a décrite comme "le dernier signal avant le blocage total qui sera le 7 mars". "Aujourd'hui, il y aura des effectifs (de manifestants) assez nombreux, mais une certaine forme d'action atteint sa limite, qui est les journées à répétition".
14% de grévistes à la SNCF à midi, contre 25% mardi dernier
Le taux de gréviste était en forte baisse à la SNCF jeudi, s'établissant à 14% selon une source syndicale, contre 25% mardi dernier, 36,5% le 31 janvier et 46,3% le 19 janvier, première journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Dans le détail on compte 36% de grévistes chez les conducteurs, 20% chez les contrôleurs ou encore 13,5% chez les aiguilleurs, selon ces chiffres provisoires à la mi-journée.
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Contrairement aux journées de grève précédentes, les perturbations sont plus importantes dans l'aérien, avec des annulations de vols et des retards, que dans le ferroviaire, en raison notamment de l'appel à la grève apparemment mieux suivi par les contrôleurs aériens jeudi que lors de précédentes journées de mobilisation. Mardi soir, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) avait demandé aux compagnies de renoncer préventivement à 30% de leurs vols jeudi à l'aéroport de Paris-Orly, alors que seulement 20% des vols avaient été annulés lors des précédentes journées de mobilisation.
D'autres aéroports sont touchés comme ceux de Toulouse, Montpellier, Marseille et Nantes. En mi-journée jeudi, la DGAC indiquait que le service minimum avait pu être levé dans les centres de navigation aérienne de Bordeaux et de Reims, mais il reste en vigueur à Orly, Nantes, Bâle, Toulouse, Marseille et Clermont-Ferrand, affectant ainsi les vols dans les couloirs aériens de ces zones. A la mi-journée, certains vols accusent des retards "d'une à deux heures", a précisé la DGAC.
23,1% de taux de grévistes chez EDF
Dans le secteur de l'énergie, le taux de grévistes s'élevait à 23,1% chez EDF SA à la mi-journée, contre 30,3% le 7 février à la même heure, selon la direction, une baisse mécanique compte tenu des congés dans deux zones de vacances scolaires sur trois et du fait que le taux de grévistes est établi par rapport aux effectifs globaux de l'entreprise et non aux salariés présents. Les réacteurs nucléaires d'EDF de Saint-Alban 2 en Isère, Paluel 2 en Seine-Maritime, Tricastin 1 dans la Drôme, Flamanville 2 dans la Manche, Gravelines 5 dans le Nord et la centrale thermique de Martigues ont procédé à des baisses de charge au total d'un peu plus de 3.000 MW soit l'équivalent de trois réacteurs nucléaires, dans la nuit de mercredi à jeudi selon la CGT et EDF.
Ces baisses de production, très encadrées par le gestionnaire du réseau de lignes à haute et très haute tension RTE, n'ont pas provoqué de coupures pour les clients. Mercredi après-midi, de nombreuses centrales hydroélectriques s'étaient mises en grève, notamment la plus puissante de France, à Grand'Maison en Isère, rendant indisponibles au total sur tout le territoire jusqu'à 4.000 MW, selon la CGT. L'action s'est poursuivie jeudi à Grand'Maison.
Côté gaz, huit sites de stockage de Storengy, filiale d'Engie étaient jeudi le théâtre de barrages filtrants, notamment le très important stockage de Gournay-sur-Aronde dans l'Oise, qui dessert les Hauts-de-France. Les grévistes interdisent l'accès au site aux sociétés et prestataires chargés des opérations de maintenance.
L'usine de conversion de l'uranium Orano Malvési, située sur la commune de Narbonne dans l'Aude, était à l'arrêt depuis mercredi soir et ne devait reprendre son activité que vendredi matin, selon la même source. Chez TotalEnergies, seule la bio-raffinerie de La Mède dans les Bouches-du-Rhône était en grève, avec pour conséquence une suspension des expéditions de carburants de la raffinerie vers les dépôts.
Près de deux fois moins d'enseignants grévistes
Près de deux fois moins d'enseignants étaient grévistes jeudi, par rapport au 7 février, selon le ministère de l'Éducation, avec 7,67% de grévistes, un taux calculé pour les seules régions qui ne sont pas encore en vacances, dans la zone C (académies de Paris, Créteil, Versailles, Montpellier et Toulouse), les autres étant en vacances scolaires. Le mardi 7 février, le ministère avait comptabilisé 14,17% de professeurs grévistes.
A Paris, qui n'est pas en vacances, quelques lycées ont été bloqués jeudi matin, comme Janson-de-Sailly (16e) ou Lamartine (9e), sous le slogan "tu nous mets 64, on te re-mai 68". Des sites universitaires ont été fermés mercredi à Rennes, Nantes et Paris (Tolbiac-Université Paris 1) en raison de blocages par des étudiants ou de possibles occupations. A Paris, quatre autre sites de Paris 1 sont fermés, dont celui de la Sorbonne et le Panthéon.
Jusqu'à 650.000 personnes attendues dans la rue
Les perturbations sont limitées dans les transports, avec 4 TGV sur 5 en circulation et un trafic normal dans le métro parisien. Néanmoins, 30% des vols à Paris-Orly sont annulés. Et dans l'énergie, les agents d'EDF ont procédé dans la nuit de mercredi à jeudi à de nombreuses baisses de production d'électricité, d'un peu plus de 3.000 MW, soit l'équivalent de trois réacteurs nucléaires, mais sans coupures de courant pour les clients. Après un samedi qui a mobilisé 963.000 manifestants selon les autorités, l'affluence devrait être moindre. La police dit attendre entre 450 et 650.000 personnes dans la rue, dont 40 à 70.000 à Paris.
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Une mobilisation à la baisse à Marseille
Dans la deuxième ville de France, la mobilisation est à la baisse. Si les chiffres officiels des manifestants n'ont pas été communiqués, Europe 1, présent sur place, estime le nombre de manifestants à 10.000 personnes. Lors de la manifestation du 31 janvier, les syndicalistes avaient revendiqué le chiffre de 205 000 manifestants à Marseille.
Les manifestants ne sont pas surpris par cette baisse du nombre de participants : "Ça ne m'inquiète pas. Il y a l'effet vacances et ça prend énormément d'énergie aussi. C'est tout à fait normal. S'il y a besoin de faire bouger les choses et d'être malheureusement plus virulent, certains savent le faire. Ils vont devoir le faire pour pouvoir secouer le gouvernement", explique Nordine, salarié dans la métallurgie.
Cette affluence moindre, en plein coeur des vacances, était attendue. Ainsi, certains, à l'instar de Sabrina, sont venus pour la toute première fois afin de grossir les rang."C'est ma première aujourd'hui. Il ne faut pas perdre l'élan et il faut que tout le monde se mobilise pour que cette réforme ne prenne pas effet. Donc aujourd'hui, on a pris la petite avec nous pour montrer qu'on se mobilise pour l'avenir de nos enfants", détaille-t-elle. Et pas de panique non plus chez les représentants syndicaux qui appellent tout le monde à garder des forces pour le prochain rendez-vous fixé au 7 mars, avec la promesse d'une mobilisation différente et d'un mouvement qui est appelé à se durcir.
Albi, centre de cette cinquième journée de mobilisation
Mais, une fois n'est pas coutume, les numéros un des huit principaux syndicats manifesteront à Albi, symbole de cette France des villes moyennes très mobilisée contre la réforme. "Nous souhaitons braquer le projecteur sur l'un des traits marquants de ce mouvement social. Il y a une France du travail qui veut affirmer qu'elle existe, qu'il n'y a pas que les métropoles", souligne Laurent Berger dans le magazine de la CFDT. Dans cette ville de 50.000 habitants, au moins 6.000 personnes ont manifesté samedi, comme Ariane Arons-Adan, 54 ans, qui travaille dans le médico-social et sera là "pour défendre le droit de vivre, et de vieillir en bonne santé". Forts de l'opposition constante d'environ sept Français sur dix à la réforme selon les sondages - et d'une pétition qui a franchi le cap symbolique d'un million de signatures -, les syndicats entendent "maintenir la pression sur les députés", selon le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.
Faute de réussir à infléchir l'exécutif, l'intersyndicale a adressé un courrier aux parlementaires, hormis ceux du RN, pour leur demander de rejeter la réforme "et plus particulièrement son article 7", qui porte le recul de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans.
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Encore près de 11.000 amendements à discuter d'ici vendredi minuit
Le temps est compté pour les députés qui, après plusieurs jours d'empoigne stérile, abordent la dernière ligne droit de leurs débats jusqu'à vendredi minuit, heure couperet de l'examen du texte avant sa transmission au Sénat. Pour accélérer, la gauche a décidé de retirer de nombreux amendements mais il en reste encore près de 11.000 à discuter, dont une bonne partie avant l'article 7. Il existe "une majorité possible dans l'hémicycle pour voter contre", veut croire le député PS Philippe Brun, qui espère "passer au vote le plus vite possible" sur ce point clé. Le chef du groupe communiste André Chassaigne décèle toutefois "une alliance de fait" entre majorité et oppositions pour ne pas arriver au vote.
Selon lui, le gouvernement "n'est pas sûr de lui", surtout depuis le rejet de l'article 2 mardi sur l'index seniors, il y a "un malaise" chez les députés LR et à gauche, certains chez LFI craignent que si l'article 7 est voté, "ça porte un coup au mouvement social". Pour rajouter à la confusion, le RN a déposé mercredi une motion de censure. Sa cheffe de file Marine Le Pen a affirmé sur RTL que cette manœuvre permet de savoir qui est "pour ou contre la réforme". Et répondre ainsi à Emmanuel Macron qui ironisait en Conseil des ministres mercredi sur des oppositions qui "n'ont plus de boussole".
Vers une France à l'arrêt à partir du 7 mars ?
Vote ou pas, les syndicats se réservent pour la journée du 7 mars, l'intersyndicale ayant appelé à "mettre la France à l'arrêt", une action soutenue par 58% des Français selon un sondage Elabe pour BFMTV. "Le 7 mars, nous allons franchir une nouvelle étape (..) qu'il est impératif de réussir", selon Laurent Berger. D'autres actions sont prévues le lendemain lors de la journée internationale des droits des femmes.
Et, alors que des sites universitaires ont été fermés mercredi à Rennes, Nantes et Paris, les principales organisations de jeunesse annoncent une journée de mobilisation nationale le 9 mars. De quoi donner des envies de grèves reconductibles à partir du 7 mars. Si l'intersyndicale n'y a pas appelé, certaines confédérations comme Solidaires y sont favorables. Les syndicats de la RATP l'ont déjà annoncé ainsi que la CGT éboueurs.