En été aussi, les SDF vivent un calvaire

L'espérance de vie moyenne des SDF est de 49 ans et 5 mois, contre 78 ans pour un homme en bonne santé.
L'espérance de vie moyenne des SDF est de 49 ans et 5 mois, contre 78 ans pour un homme en bonne santé. © AFP
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Clémence Olivier , modifié à
Si l'hiver est particulièrement rude pour les sans abri, l'été n'est pas pour autant une période plus clémente.

En plein mois de janvier, on s'émeut rien qu'à voir un homme allongé sur un trottoir, emmitouflé sous plusieurs couches de vêtements ou au mieux sous un duvet. Pourtant l'été n'est pas une période plus facile lorsque l'on est sans abri. Et pourtant notre vigilance faiblit. Quand en période de canicule monsieur tout le monde profite parfois d'un bureau climatisé, peut prendre une douche une fois rentré chez lui, aérer sa maison ou son appartement ou tout au moins se désaltérer avec un verre d'eau froide, puisque rafraîchie avec des glaçons, les sans domicile fixe n'ont d'autres choix que de faire avec. "Il n'y a jamais de répit", souligne Nicolas Clément, président du collectif Les Morts dans la rue.

Et ce manque de répit à des conséquences dramatiques sur la santé des sans domicile fixe, et en particulier des quelque 30.000 sans abri qui vivent dehors ou dans des hébergements de courte durée, selon les chiffres 2016 de la fondation Abbé Pierre.

La vie dans la rue use. Car vivre dans la rue use. "L'espérance de vie moyenne des SDF est de 49 ans et 5 mois, contre 78 ans pour un homme en bonne santé", souligne Abdon Goudjo, directeur médical du Samu social, qui vient en aide aux personnes démunies. "Dans la rue, on prend 20-30 ans facilement car le corps ne se repose jamais. On se doit d'être constamment vigilant. Le sommeil en pâtit. Il est haché. On ne mange pas de façon équilibrée. On est également exposé à toutes les addictions et notamment à l'alcool qui détruit petit à petit et notamment sur la plan neurologique", ajoute le médecin.

Aussi, lorsqu'il fait chaud, les corps déjà affaiblis sont encore plus fragilisés. "La chaleur entraîne une déshydratation qui peut être aggravée en cas de consommation d'alcool ou de médicaments, mais aussi de l'hyperthermie, une élévation anormale de la température du corps", ajoute Abdon Goudjo. "En d'autres termes, cela va griller les neurones".

D'autres types d'affections qu'en hiver. L'été, même si les maladies respiratoires sont moins nombreuses, d'autres infections peuvent se développer notamment à cause de la transpiration et du manque d'hygiène. "Les sans abri portent sur eux tous leurs vêtements par crainte de se les faire voler", précise Abdon Goudjo. "Avec la transpiration, ça macère. Des mycoses s'installent dans les plis. Cela démange. Ils vont se gratter avec des doigts qui ne sont pas absolument propres, et parfois avec sous les ongles du staphylocoque et du streptocoque. Cela peut entraîner des infections graves".

" Il n'y a pas vraiment de plan été, cela se limite à un plan canicule "

Moins d'hébergements. Enfin, avec les beaux jours, les dispositifs mis en place pour venir en aide aux SDF sont moins nombreux. "En été, il y a moins de maraudes, notamment de la part des petites associations", détaille Marie Loison-Leruste, maîtresse de conférences en sociologie à l'université Paris 13, spécialiste des questions de pauvreté et d'exclusion sociale. "Par exemple, les petites associations étudiantes qui vont se mobiliser l'hiver pour distribuer des repas arrêteront de le faire en été, soit parce qu'elles ne sont pas assez sensibilisées, soit parce que les bénévoles partent en vacances. Et c'est le cas pour nombre d'associations qui s'appuient principalement sur des bénévoles". Les solutions d'hébergements sont aussi moins nombreuses. "Il n'y a pas vraiment de plan été, cela se limite à un plan canicule. Et les hébergements d'urgence sont fermés", constate le Samu social.

"Pas de saison idéale". De là à affirmer que les SDF meurent davantage en été qu'en hiver ? Selon les dernières observations du collectif Les Morts de la rue, les décès seraient en fait légèrement plus nombreux en octobre et en juin. "Ce sont des périodes de transition. Les lieux de distribution de nourriture vont changer. Les espaces dédiés aux hébergement aussi. Ce n'est pas une explication scientifique, mais cela peut être l'une des explications". "Ce sont aussi les périodes où les écarts de températures entre le jour et la nuit sont les plus élevés", ajoute Marie Loison-Leruste.  "Globalement c'est compliqué tout le temps. D'ailleurs les décès surviennent en grande partie par accident ou après une maladie et ne sont pas directement liés aux conditions climatiques", complète Nicolas Clément.  "Lorsque l'on vit dans la rue, il n'y a pas de saison idéale".

 

Quelques chiffres...

49, 5 : c'est en années l'espérance de vie moyenne lorsque l'on vit dans la rue.

141.500 : c'est le nombre de personnes sans domicile comptabilisées par la fondation Abbé Pierre en 2016. Parmi les sans domicile, on trouve les sans-abri (qui vivent dans la rue), les personnes vivant en habitation de fortune, en hébergement collectifs, à l'hôtel ou en logement associatif.

501 : c'est le nombre de décès répertoriés en France par le collectif Les Morts de la rue au cours de l’année 2016.