Le mot d'ordre est simple : mieux identifier une menace globale et de plus en plus pesante. En 2014, quatre attaques djihadistes ont frappé le sol européen et 395 personnes ont été arrêtées pour leur implication dans des affaires de terrorisme au sein de l'Union européenne (UE). L'année suivante, le nombre d'attentats a plus que quadruplé - 17 - et les arrestations presque doublé - 667, principalement en France et en Belgique. Mais selon l'Office européen de police (Europol), le risque d'attentat est loin de se limiter à ces deux pays : "Tous les États membres de l'UE et de la coalition menée par les États-Unis contre l'État islamique sont de potentielles cibles", estime l'organisme dans un rapport publié à la fin du mois de novembre. Fruit de la coopération entre tous les services de contre-terrorisme européens, le document dresse les contours d'un djihadisme en évolution permanente.
JUST RELEASED! Europol report: Changes in modus operandi of Islamic State #IS. Download (pdf) here https://t.co/EF4uc38TBE#ISIS#terrorismpic.twitter.com/FzIXlSGxgJ
— Europol (@Europol) 2 décembre 2016
La voiture piégée, nouveau mode opératoire ? "L'utilisation d'engins artisanaux, d'explosifs militaires ou achetés dans le commerce dans des voitures piégées", comme cela a été fait en Syrie ou en Irak, "n'a pas encore été employée par le groupe EI en Europe", pointe le rapport, publié à la Haye. Mais "étant donné que les modes opératoires utilisés au Moyen-Orient ont tendance à être copiés par les terroristes en Europe, il est tout à fait concevable que le groupe EI les utilise à un moment, poursuit Europol. L'Office européen rappelle que la cellule à l'origine des attaques de Paris et Bruxelles projetait d'y avoir recours, "probablement quelque part en France", au cours de l'hiver 2016. L'intervention de la police belge à Forest, puis l'arrestation de Salah Abdeslam, le 18 mars, avaient obligé les djihadistes à opter, dans la précipitation, pour des attentats-suicides à Bruxelles.
"L'État islamique communique sur ce mode opératoire", confirme à Europe1.fr Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du Terrorisme (CAT). "Leurs techniques évoluent et s'adaptent à la pression sécuritaire, avec pour objectif de faire un maximum de victimes : cela passe aujourd'hui par l'utilisation d'explosifs." A Paris et à Bruxelles, l'EI a eu recours à une arme auparavant utilisée sur ses terres, relève Europol : la ceinture d'explosifs. La voiture piégée suivra-t-elle le même schéma ? La tentative d'attentat mené par trois femmes "téléguidées" de Syrie par l'EI, en septembre, semble étayer ce postulat. En plein Paris, elles projetaient de faire exploser un véhicule chargé de bonbonnes de gaz.
Le rapport d'Europol évoque, en outre, l'éventualité d'une attaque chimique ou biologique, rappelant que l'EI a déjà usé de gaz moutarde en Syrie. Une hypothèse prématurée, selon Jean-Charles Brisard. "C'est un objectif de l'État islamique, c'est certain", explique l'expert. "Mais il ne s'agit pas d'une menace concrète pour l'instant : il n'a jamais été prouvé que le groupe était en capacité de mener de telles attaques en Europe."
Des cibles "faciles", dans plusieurs pays. Concernant les cibles, la France reste particulièrement visée selon l'Office européen, en raison de sa "forte tradition séculaire" et des lois qui y ont été adoptées au nom de la laïcité - notamment l'interdiction du voile intégral. Mais Europol alerte sur un risque généralisé. "On voit, dans la genèse des attentats de Paris, qu'une cible aux Pays-Bas (l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol, ndlr) a été envisagée", rappelle le président du CAT. "Sont visés, en fait, tous les pays impliqués dans la coalition et disposant d'assez de "recrues", c'est-à-dire de ressortissants prêts à commettre des attaques. On peut penser au Royaume-Uni, également." Les experts de La Haye évoquent également le cas de l'Allemagne, où le flux de réfugiés fait l'objet d'une intense politique de recrutement de la part de groupuscules djihadistes. "Les services de renseignement allemands sont préoccupés par le phénomène", confirme Jean-Charles Brisard. "Mais à ce stade, il s'agit d'organisations islamistes extrémistes, qui ne se destinent pas forcément à commettre des attentats."
Au fil des attaques commises sur le sol européen, l'EI a par ailleurs révélé sa "préférence apparente pour les cibles faciles", relève Europol, pour qui l'organisation "n'a pas pour priorité d'attaquer des infrastructures cruciales" des États visés. Jean-Charles Brisard abonde : "les centrales nucléaires, par exemple, étaient déjà une cible envisagée par certains responsables d'Al-Qaïda avant le 11-Septembre. Mais les effets létaux d'une telle attaque sont trop aléatoires. Daech fait preuve de réalisme."
Pas de "vague" de djihadistes vers l'Europe. Dans son rapport, l'Office de police européen aborde, enfin, le thème des "Revenants", tels que les appellent les services de renseignements français. Alors que l'État islamique connaît de lourdes défaites militaires en Irak et en Syrie, "la dynamique de retour des combattants étrangers présents dans la région vers l'Union Européenne pourrait s'accélérer", selon Europol. Une crainte "légitime" selon Jean-Charles Brisard, pour qui il ne faut cependant pas s'attendre à "une vague" : "Dans le passé, après la guerre en Afghanistan par exemple, on a vu des groupes terroristes se disperser, recréant des bases opérationnelles dans des pays limitrophes. L'État islamique a déjà incité beaucoup de ses commandants à s'installer en Libye."