cheminot sncf 1280 Mehdi FEDOUACH / AFP 2:44
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Aurélien Fleurot, édité par A.H. , modifié à
Ils aiment leur métier, se défendent d'être aigris, mais racontent un quotidien fait de contraintes. Europe 1 a passé 24 heures aux côtés de cheminots, contrôleurs et conducteurs, en Normandie.
L'ENQUÊTE DU 8H

Pour les cheminots, la réforme du rail voulue par le gouvernement est vécue comme une attaque frontale, avec plusieurs sources d'inquiétude. La première d'entre elle concerne la fin annoncée du statut pour les futures recrues de la SNCF. Considérés bien souvent comme des nantis, les cheminots assurent ne pas bénéficier d'avantages mais de compensations liées à des contraintes professionnelles fortes. Europe 1 a passé 24 heures aux côtés de trois d'entre eux, cheminot, contrôleur et conducteur. 

La difficulté des horaires décalés. Jongler avec les horaires décalés et gérer des plannings compliqués pour sa vie de famille, c'est le quotidien de Franck, conducteur de train que notre reporter a rencontré dans la cabine du TER entre Lisieux et Deauville, après un "découcher". En clair, la SNCF lui demande de dormir le soir à l'hôtel pour pouvoir repartir dès 6 heures le lendemain. "Souvent, on a sept-huit 'découchers' par mois. C'est le plus compliqué dans le métier. Hier, j'ai commencé à 10h30, donc j'ai vu ma femme et mes enfants à 7 heures, et je ne vais les revoir que ce soir. On n'est pas les seuls à avoir des inconvénients comme ça, mais c'est embêtant. Ça casse la vie de famille", explique ce fils de cheminot, qui compte déjà vingt ans de carrière dans l'entreprise ferroviaire.

Des conditions de travail qui se dégradent. Ce matin-là, Franck croise Nassir, l'un des contrôleurs, dont la présence est de plus en plus rare sur ces lignes normandes. La SNCF manque de personnel et de moyens, et cela se répercute inexorablement sur les usagers. "On n'a plus de mots pour expliquer ce qu'il se passe, mais on comprend la souffrance des usagers. Sur un Paris-Cherbourg par exemple, quand tous les trains sont mis à quai tardivement, que le matériel est vétuste, qu'il n'y a plus d'eau dans les toilettes, ça agace. Et nous, on est en première ligne, et c'est à nous d'expliquer les dysfonctionnements de la direction. On peut rejeter la faute sur le cheminot, mais il fait avec ce qu'il a. On nous traite de nantis, de fainéants, mais on fait avec les moyens qu'on a. Malheureusement", déplore-t-il au micro d'Europe 1.

La défense du service public en étendard. Être présentés comme les responsables des problèmes de la SNCF reste difficilement supportable pour ces cheminots, souvent payés au smic. Tous répètent que "ce n'est pas la fin du statut qui permettra aux trains d'arriver à l'heure". Leur combat est de défendre le service public, pas de "s'opposer pour s'opposer", assure Christophe, père de famille, en poste à la SNCF depuis 18 ans. "Ma femme, ça ne lui fait pas plaisir que je sois en grève, car on perd de l'argent. Il faut arrêter de dire qu'on ne perd pas d'argent quand on est en grève, on en perd beaucoup. Mais on le fait par conviction", défend-il auprès d'Europe 1. "Le problème, ce n'est pas le statut, c'est l'organisation. On n'est pas contre une réforme de la SNCF, on n'est clairement pas là pour embêter les voyageurs. Nous, on est là pour améliorer le service public. On se bat pour ça".

Syndiqués ou non, tous les cheminots qu'Europe 1 a pu rencontrer en Normandie se disent prêts à mener une grève dure. Tout en sensibilisant les usagers aux raisons pour lesquelles ils se mobilisent, en escomptant faire plier le gouvernement.