A quelques mois de deux échéances cruciales - la COP15 biodiversité qui se déroulera en octobre en Chine et la COP26, en novembre, en Ecosse - cinquante des plus grands experts du Giec et de l'IPBES (groupe d'experts de l'Onu) établissent un rapport clair entre réchauffement climatique et perte de biodiversité. "Le changement climatique affecte négativement la biodiversité et l'ensemble des services écosystémiques", rappelle Yunne Shin, experte à l’Institut de la Recherche et du Développement, sur Europe 1. "De son côté, la biodiversité peut jouer un rôle très important pour la régulation du climat." Les deux processus doivent donc être abordés ensemble, selon les scientifiques.
"Ce que les gens doivent réaliser, c'est que le changement climatique et la perte de biodiversité ont les mêmes grandes causes de dégradation : ce sont les populations démographiques humaines, nos modes de production et de consommation, mais aussi nos systèmes de gouvernance, nos économies, le développement technologique, mais aussi un ensemble de valeurs qu'on a par rapport à notre environnement", poursuit-t-elle. "Il y a une énorme opportunité en abordant les deux problèmes de front : on peut mobiliser notre énergie, nos finances, nos choix individuels, transformer nos systèmes en ayant un rapport bénéfice-coût qui est très important. On peut faire d'une pierre deux coups".
Attention aux fausses bonnes idées
Le rapport alerte sur une réflexion en silo : penser les deux problématiques séparément, ce qui peut finalement induire un effet négatif. Les experts de l'ONU ont donc publié jeudi un rapport avec des solutions, à portée de tous, mais aussi des mises en garde contre de "fausses bonnes idées". Il s'agit du premier rapport commun produit par les deux instances, même s'il n'a pas bénéficié du processus habituel d'évaluation.
Parmi les "fausses bonnes idées", les experts alertent sur les forêts de plantation : planter des arbres pour compenser ses dépenses en carbone. Or, le remplacement d'arbres de diverses espèces par une monoculture peut fragiliser l'écosystème. Surtout dans certains endroits, où il n'y avait pas d'arbres auparavant. "Par exemple au milieu de la savane", cite le Dr Paul Leadley, de l'université Paris-Saclay, l'un des auteurs du rapport. "Il y a des projets qui se passent à l'heure actuelle où il y a ce type de plantation et surtout si c'est fait avec des espèces exotiques, c'est vraiment une fausse bonne idée".
Autre tendance à bannir, selon les experts de l'ONU : cultiver des biocarburants sur des milliers d'hectares. Une exploitation qui appauvrit les sols et qui prend trop de place sur la surface de la Terre. "Le risque, c'est lorsqu'on déploie ces mesures à trop grande échelle", explique Yunne Shin. "Ça risque de rentrer en compétition avec d'autres formes de régulation de l'environnement."
Idem pour le développement de certaines énergies renouvelables, qui peut de son côté entraîner l'exploitation de certains minerais rares avec des dommages environnementaux
Un réseau de compost
Parmi les solutions à notre portée : la création d'un réseau national de ramassage de compost, comme on ramasse les poubelles, pour ensuite épandre les épluchures de fruits et légumes et les restes de cuisine dans les champs. Une initiative qui permettrait à la fois de stocker plus de carbone dans le sol et de récréer ainsi de la biodiversité. Un geste fort dans la lutte contre le changement climatique, selon les scientifiques. "On peut restaurer des écosystèmes naturels, les gérer de manière plus soutenable et protéger des pans de biodiversité", ajoute l'experte Yunne Shin.