L'ONG environnementale Greenpeace accuse dans un rapport rendu public jeudi la filière nucléaire française de ne pas prendre la mesure du risque de submersion marine dans le projet de construction de réacteurs EPR2 à Gravelines, sur la côte de la mer du Nord. La centrale de Gravelines, déjà la plus puissante centrale nucléaire d'Europe de l'Ouest avec ses six réacteurs de 900 MW, est installée près de Dunkerque (Nord), dans le delta de l'Aa, un territoire de polder.
"Une prise en compte relative et obsolète du dérèglement climatique"
La construction prévue de deux EPR2, des réacteurs à eau pressurisée de nouvelle génération de 1.600 MW chacun, s'intègre dans le programme de relance du nucléaire annoncé par Emmanuel Macron, comprenant également deux EPR à Penly (Seine-Maritime) et deux à Bugey (Ain). Le débat public sur les EPR2 de Gravelines a débuté mi-septembre. Les deux réacteurs doivent être bâtis sur une plateforme de 11 m de haut, pour un début d'exploitation à horizon 2040.
Dans son rapport, Greenpeace fustige "une prise en compte relative et obsolète du dérèglement climatique" par EDF dans ce projet, que l'ONG qualifie de "non-sens total au regard de l'aggravation du changement climatique". "En 2100, l'ensemble du site de la centrale peut se retrouver temporairement – au moment des marées hautes (plus hautes marées astronomiques) et dans les conditions d'une surcote centennale – sous le niveau de la mer", pointe le rapport, qui se fonde pour cette projection sur le scénario le plus pessimiste du Giec, les experts climatiques mandatés par l'ONU.
Une "étude pluridisciplinaire" demandée
Ce scénario envisage l'hypothèse où l'humanité ne prendrait pas de mesures pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le Giec juge "faible" la probabilité qu'il se réalise. Greenpeace demande notamment à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) d'exiger la réalisation par des experts indépendants "d'une étude pluridisciplinaire comprenant une analyse de risques liés à la vulnérabilité de nouveaux réacteurs aux effets du dérèglement climatique (...) selon un modèle reconnu et documenté".
Greenpeace estime qu'"une telle étude doit être exigée en amont du processus, (...) avant toute mobilisation de ressource". Sollicitée par l'AFP, l'ASN souligne qu'"à ce stade, EDF n'a pas déposé de demande d'autorisation pour ces réacteurs EPR2" et qu'elle n'a donc "pas encore connaissance des hypothèses prises en compte pour dimensionner les ouvrages de protection vis-à-vis du risque de submersion marine". EDF indique pour sa part que "la hauteur de la plateforme retenue pour les réacteurs EPR2 de Gravelines permet une protection contre les inondations extrêmes, en considérant les effets des scénarios du Giec parmi les plus pénalisants vis-à-vis de la hausse du niveau marin".