Des plages qui rétrécissent, des falaises qui se morcellent, des dunes qui reculent… : les experts pointent l'activité humaine pour expliquer l'érosion littorale.
Le poids de l'Homme. Plages réduites à Lacanau, en Gironde, ou aux Sables d'Olonne, en Vendée, côte grignotée jusqu'au pied des habitations à Soulac-sur-Mer, en Gironde : les tempêtes hivernales de 2014 ont braqué les projecteurs sur les effets de l'érosion marine. Le phénomène naturel est récurrent et millénaire : au fil des siècles, le trait de côte a toujours connu des "fluctuations". Mais l'urbanisation du littoral depuis 150 ans a changé la donne : "autrefois, les hommes ne s'installaient pas sur les côtes sableuses, ils savaient que c'était mobile", souligne Patrick Bazin, responsable du département Gestion patrimoniale au Conservatoire du littoral.
"Dès le début du tourisme balnéaire, il fallait être au plus près de la mer, c'était le principe même de la promenade balnéaire où il fallait être vu", indique Yvonne Battiau-Queney, professeur émérite à l'Université de Lille et présidente de l'association de protection des littoraux EUCC-France, basée à Biarritz, dans les Pyrénées-Atlantiques. Dans cette logique, "presque toutes les stations, d'Hendaye, dans les Pyrénées-Atlantiques à Bray-Dunes, dans le Nord, ont été créées sur les dunes littorales". Résultat : "Les échanges naturels entre la plage et sa réserve de sable qui l'alimentait en cas de tempête ont été rompus", explique-t-elle. Et les systèmes de digues ou d'enrochement, destinés à contrer l'érosion, au lieu d'améliorer la situation, entravent encore plus ces échanges.
La part du réchauffement climatique. Les effets du réchauffement climatique sur les côtes ne doivent pas être écartés, soulignent les experts. "Aujourd'hui, l'élévation du niveau de la mer n'est pas assez rapide pour causer une érosion des côtes suffisamment importante pour qu'elle soit observable de manière évidente", souligne Goneri Le Cozannet, ingénieur au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), organisme public. Pour la suite, "cela dépendra de nos émissions à effet de serre", indique l'ingénieur. "Autant on ne pourra pas échapper à une aggravation des submersions marines lors des tempêtes, autant on peut encore échapper à un recul généralisé des côtes sableuses".
Quelles options ? Recharger le stock de sable avec des systèmes de pompage, comme aux Sables d'Olonne, peut être une solution, explique Yvonne Battiau, "tout en faisant le bilan des coûts". Dans d'autres cas, la relocalisation des activités humaines est à étudier, comme le fait le Groupement d'intérêt public (GIP) créé en 2006 en Aquitaine pour planifier l'avenir du littoral.
Autre levier possible, la préservation de zones naturelles, dénuées de toute urbanisation, sortes "d'espaces tampons" permettant "d'amortir le phénomène de l'érosion et surtout celui de la submersion, plus dangereux", souligne Patrick Bazin. Dans tous les cas, il est nécessaire "d'anticiper", martèlent les experts. "L'enjeu c'est d'arriver à montrer que la société peut évoluer autrement que sous le coup des événements catastrophiques", résume Patrick Bazin.