Pour les Caisses d'allocations familiales (CAF), ce n'est pas simple de "viser juste" quand on verse la bagatelle de 37 milliards d'euros de prestations chaque année, à près de 13 millions de foyers… C'est d'autant moins simple que le calcul de ces prestations s'appuie sur des informations déclaratives : pour peu qu'une personne ait oublié de signaler un changement dans sa situation personnelle, les sommes qu'elle va percevoir seront plus élevées que ce à quoi elle a le droit, ou au contraire moins élevées. Europe 1 a enquêté sur ces trop-perçus…
Des trop-perçus pour 16% des foyers
Chaque année, la Caisse nationale des allocations familiales sort des chiffres sur ces erreurs en matière de versement. Selon nos informations, sur les 12,7 millions de foyers qui ont perçu des prestations de la branche famille en 2018, 2 millions ont dû rembourser un trop-perçu. La plupart du temps, l'erreur tient à une mauvaise information transmise à la CAF par les allocataires. Un revenu supplémentaire qu'on a oublié de déclarer, ou par exemple, le fait qu'on s'est signalé comme vivant seul alors qu'en réalité, on est en couple.
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La CAF est de mieux en mieux outillée pour repérer les erreurs. Elle croise ses fichiers avec ceux de l'administration fiscale ou de Pôle Emploi. Elle a aussi des équipes de contrôle qui identifient des incohérences dans les déclarations. Quand l'erreur est constatée, si ça a débouché sur un versement indu, il faut rembourser. Mais avant d'engager la procédure, la CAF va chercher à savoir si l'oubli qui est à l'origine du trop-perçu était intentionnel ou pas.
Nous avons assisté à une commission de vérification
Pour la première fois, Europe 1 a pu assister, la semaine dernière, à la réunion d'une commission dont c'est le travail. Au siège de la Caisse d'allocations familiales de Charente, à Angoulême, le directeur avait réuni quatre de ses plus proches collaborateurs et le chef du service RSA du département pour étudier les dossiers de ces allocataires dont les situations posent question : ont-ils simplement commis des erreurs ou sont-ils des fraudeurs ?
" On l'oriente vers la médiation administrative pour qu'il s'explique. Lors de la commission, on étudie toutes ces données "
"On a étudié les pièces des dossiers présentés à la commission des fraudes, afin de savoir s'il y a une intentionnalité", explique Mylène, responsable de la vérification à la CAF de Charente. "On envoie un courrier à l'allocataire pour lui confirmer que son dossier va être présenté, ce pourquoi on a considéré qu'il y avait un trop-perçu : la situation familiale non-déclarée, sa situation professionnelle, ses ressources mal précisées. Ensuite, on l'oriente vers la médiation administrative pour qu'il s'explique. Lors de la commission, on étudie toutes ces données."
La CAF de la Charente compte précisément 61.455 allocataires. En 2018, 169 fraudes ont été détectées, pour un peu plus d'un million d'euros de préjudice. "Quand il n'y a pas d'intention de frauder, le droit à l'erreur n'est pas pour autant une licence à l'erreur, donc ce qui a été versé à tort doit être remboursé", précise Philippe Arnould, directeur de la CAF départementale. "Mais lorsqu'il y a véritablement une intention de frauder, c'est l'idée de prononcer une sanction, une pénalité financière en plus du remboursement du trop-perçu." En 2018, la commission a principalement sanctionné ces fraudes par des pénalités financières, mais 8% d'entre elles ont atterri sur le bureau du procureur, pour des poursuites pénales.
32.000 fraudes l'année dernière en France
En France, sur les 2 millions d'allocataires qui ont dû rembourser un trop-perçu en 2018, 32.000 ont été reconnus coupables de fraude. Conséquence : en plus du remboursement, ils ont dû payer une pénalité et, dans les cas les plus graves, ils ont été poursuivis au pénal.
Quand l'erreur n'est pas intentionnelle, demander le remboursement d'un trop-perçu peut mettre en difficulté une famille. Dans ce genre de situation, la CAF met en place une médiation, afin d'étaler le remboursement. Objectif : ne pas faire basculer dans la précarité des ménages déjà en difficulté.
Le but est en tout cas de limiter au maximum les versements indus, et donc de s'appuyer sur les informations les plus justes. D'où ce message des Caisses d'allocations familiales : quand vous avez un changement dans votre vie, déclarez-le dès qu'il survient, ce qui évitera de devoir rembourser de l'argent quelques mois plus tard.