"Je me sens maltraitée", "on est extrêmement en colère"... Plusieurs milliers d'enseignants et autres personnels de l'éducation, en grève, ont manifesté jeudi pour alerter sur leurs conditions de travail, leurs salaires, mais aussi défendre l'école publique après les déclarations polémiques de leur ministre Amélie Oudéa-Castéra qui avait affirmé avoir scolarisé ses enfants dans le privé en raison "des paquets d'heures pas sérieusement remplacées" dans le public.
"Oudéa-Castéra 0/20, au coin !", "Oudéa-Castéra médaille d'or du mépris", "AOC : mets tes baskets (tu seras moins hors-sol)", "Amélie Oudéa casse-toi !", pouvait-on lire sur des pancartes du défilé parisien, qui a réuni plusieurs milliers de manifestants jeudi après-midi en direction du ministère de l'Éducation nationale, selon des journalistes de l'AFP.
20,26% des enseignants étaient grévistes ce jeudi
"Les organisations syndicales qui le demandaient", FNEC-FP-FO et ID-FO (chefs d'établissements), "ont été reçues au ministère" dans l'après-midi, a précisé le cabinet de la ministre. Les manifestants étaient aussi des milliers dans la rue dans plusieurs autres villes de France. Selon les chiffres du ministère de l'Éducation, 20,26% d'enseignants étaient grévistes jeudi. Le Snes-FSU, premier syndicat du second degré, a estimé le taux de grévistes dans les collèges et lycées à 47%, et la FSU-Snuipp, principal syndicat du primaire, a compté 40% de grévistes dans les écoles maternelles et élémentaires.
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Une mobilisation importante, mais moindre par exemple que celle du 13 janvier 2022, quand Jean-Michel Blanquer était ministre de l'Éducation nationale. "Le catalyseur de notre colère, c'est clairement les déclarations de Mme Oudéa-Castéra, que nous vivons comme une provocation adressée à l'école publique", lance Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes, dans la manifestation parisienne, organisée à l'appel des principaux syndicats enseignants (FSU, CGT, FO, SUD-Education, UNSA-Education, SGEN-CFDT).
"On n'a pas de tracteurs"
"C'est important pour nous de revendiquer de meilleures conditions de travail" et de "défendre des salaires meilleurs", relève Guislaine David, secrétaire générale de la FSU-SNUipp. "Les propos du gouvernement sur la politique éducative, sur le 'choc des savoirs' sont complètement en déconnexion", ajoute-t-elle. Parmi les réformes annoncées quand Gabriel Attal était encore ministre de l'Éducation, "les groupes de niveau (qui doivent être mis en place au collège en français et maths à la rentrée), c'est une catastrophe", s'insurge Nicolas, professeur de maths dans un collège de Villemomble en Seine-Saint-Denis.
"On sait que ça ne marche pas, mais ils s'en fichent car eux, leurs enfants, ils sont dans le privé à Stanislas". "Comme tous les jeunes profs que je connais, je me sens maltraitée, oubliée", explique Célia, professeure d'allemand de 31 ans. "On n'a pas de tracteurs, nous, c'est peut-être pour ça qu'on ne nous écoute pas..."
Amélie Oudéa-Castéra s'exprimera vendredi
Ailleurs en France, au moins 1.600 personnes ont manifesté à Marseille, 2.500 à Lyon, 2.300 à Rennes, 2.300 Nantes et 1.300 à Rouen selon les autorités, 1.200 à Brest selon les syndicats. Ils étaient plusieurs centaines à Toulouse, selon l'AFP, et 700 à Strasbourg, selon la police, entonnant des slogans tels que "Attal, si tu savais, ta réforme, où on se la met". "On est dans un mépris total des enseignants et de l'école publique en général", a estimé à Toulouse Natacha Pavillon, enseignante documentaliste.
"C'est allé trop loin, on bafoue l'école", a estimé à Nantes Fabienne Dubourg, proviseure et membre du SNPDEN-Unsa, principal syndicat des chefs d'établissements, qui dénonce "le manque de moyens" ou "les groupes de niveau". Jeudi matin, des lycées ont fait l'objet aussi de blocages dans plusieurs villes, comme Paris, Marseille ou Montpellier. La ministre Amélie Oudéa-Castéra s'exprimera vendredi matin sur TF1, a indiqué son cabinet.